CONFERENCE ANNUELLE DU HUNTINGTON STUDY GROUP
Deuxième jour - deuxième partie (Mis en ligne le 28 janvier 2025)
Les défis cliniques contemporains de la maladie de Huntington
Bilan des essais cliniques
Cette session s’est concentrée sur de courtes (très courtes !) conférences de compagnies développant actuellement en clinique leurs médicaments contre la maladie de Huntington.
* La compagnie Prilenia sur le médicament pridopidine
Le Dr. Michael Hayden de la compagnie Prilenia a indiqué qu’ils travaillent sur l’avancement d’un traitement potentiel pour la maladie de Huntington connu sous le nom de pridopidine, lequel a été testé au cours de divers essais cliniques s’agissant de la MH et de la SLA. Ce médicament agit en activant le récepteur sigma 1, un capteur présent au sein des cellules permettant de maintenir les cellules cérébrales en bonne santé dans des conditions de stress. L’espoir est qu’en activant ce récepteur sigma 1 dans le cadre de la MH, les signes et symptômes de la MH puissent être réduits.
La compagnie Prilenia a tout récemment testé la pridopidine lors d’un essai clinique appelé PROOF-HD. Michael a partagé les données de cet essai s’agissant d’un sous-groupe de personnes qui ne prenaient pas de médicaments antidopaminergiques. Il s’agit d’une classe de médicaments généralement administrées aux personnes souffrant de dépression grave et de problèmes psychiatriques.
Leurs précédentes données suggéraient que les personnes prenant de la pridopidine sans prendre de médicaments antidopaminergiques pouvaient présenter une amélioration des symptômes de la MH. Les nouvelles données présentées pourraient suggérer que les personnes prenant de faibles doses de ces médicaments antidopaminergiques pourraient encore tirer un certain bénéfice de la pridopidine. Toutefois, le nombre de personnes pour lesquelles le test a effectué est faible.
Il a également indiqué qu’ils avaient récemment adressé une enquête à la communauté MH s’agissant des personnes prenant la pridopidine. Les commentaires de certaines personnes sur la qualité de vie, la cognition, l’humeur et les relations sociales étaient positifs. Il s’agit simplement de données anecdotiques de la communauté. Tant que ces expériences sont en corrélation avec les données scientifiques, c’est une excellente nouvelle.
* La compagnie PTC Therapeutics sur le médicament PTC-518, dénommé dorénavant Votoplam
Le Dr. Amy Lee Bredlau de la compagnie PTC Therapeutics a partagé une mise à jour concernant le médicament PTC-518, dont le nouveau nom est Votoplam.
Ce médicament est administré sous forme de pilule afin de diminuer la huntingtine. Au cours de l’été, ils ont partagé des données de personnes ayant eu le médicament pendant 12 mois, lesquelles ont montré que le médicament semblait sans danger et bien toléré.
Ils ont indiqué que sur une période de douze mois, les taux du biomarqueur NfL restaient stables chez les personnes prenant ce médicament. Les niveaux de NfL augmentent généralement à mesure que la MH progresse, et ainsi maintenir les niveaux stables est considéré comme une bonne chose.
Egalement très intéressant, ils ont des données préliminaires suggérant que le médicament Votoplam pourrait avoir un avantage sur les symptômes cliniques de la MH. Cependant, l’essai n’a pas été conçu à cette fin et le nombre de personnes testées avec ce médicament était petit. Un essai plus grand est nécessaire avant de tirer des conclusions.
* La compagnie Roche sur le médicament Tominersen
Le Docteur Peter McColgan a présenté l’ensemble des biomarqueurs que la compagnie Roche utilise pour comprendre les effets du médicament Tominersen dans l’étude GENERATION-HD1.
Ils examinent une soupe d’alphabet de biomarqueurs, appelés NfL, YKL-10, total tau, p-tau-181 et GFAP. Il existe beaucoup de données. Ils ont principalement constaté, à partir de leur essai GENERATION-HD1, qu’aux expositions les plus faibles au médicament, les biomarqueurs fournissent des informations positives s’agissant du gonflement du cerveau, de la mort des cellules cérébrales et d’autres paramètres. Aucune augmentation des biomarqueurs indiquant des dommages au cerveau n’a été constatée à une fréquence plus faible du médicament testée, ce qui est une bonne chose.
L’essai de phase 2, GENERATION-HD2, est en cours et a recruté à plus de 80% ; ce recrutement devait se terminer à la fin de l’année 2024.
* La compagnie Wave Life Sciences sur le médicament WVE-003
La société Wave Life Sciences teste leur médicament diminuant la huntingtine, WVE-003 dans le cadre de leur étude, SELECT-HD, lequel cible particulièrement la copie expansée de la huntingtine.
Les effets positifs observés chez les personnes sous traitement ont été la préservation du volume d’une partie du cerveau, appelée le noyau caudé, vulnérable dans le cadre de la maladie de Huntington. Le ralentissement de la perte de volume du noyau caudé pourrait signifier que moins de cellules cérébrales sont perdues, mais des analyses supplémentaires sont nécessaires pour s’assurer que cela est réellement dû à la préservation du volume cérébral et non à un facteur de confusion, tel que l’inflammation.
Quelques personnes participant à l’étude ont vu leurs taux de NfL dépasser ceux du groupe témoin. Dans un essai avec un faible nombre de personnes, il est difficile de dire exactement ce que cela pourrait signifier mais c’est un élément que la compagnie Wave et d’autres compagnies surveilleront à mesure que le programme avancera.
* La compagnie Vico Therapeutics sur le médicament VO659
Cette compagnie teste leur médicament, appelé VO659, lequel agit sur les répétitions supplémentaires de CAG au sein du gène huntingtin. Il a été conçu pour cibler la copie de la huntingtine expansée, responsable de la maladie (et de longues répétitions CAG dans d’autres maladies).
Il est intéressant de noter que le médicament fonctionne plus efficacement lorsque la répétition CAG est plus longue. Ils le testent actuellement au cours d’un essai de Phase I/II chez des personnes atteintes de la maladie de Huntington ainsi que chez des personnes atteintes d’une autre maladie à répétitions de CAG, l’ataxie spinocérébelleuse.
Ils ont partagés des données s’agissant de l’innocuité et de la tolérabilité dans le cadre de l’essai portant sur des personnes atteintes de la MH. Jusqu’à présent, il s’agit d’un très petit groupe – seulement six personnes atteintes de la MH participant à l’essai. Lorsque les personnes ont pris le médicament pendant 29 jours, la huntingtine expansée a diminué de 28% dans le liquide céphalo-rachidien. La compagnie VICO possède également des données suggérant qu’ils pourraient administrer leur médicament aux personnes tous les 4 à 6 mois par injection dans la colonne vertébrale.
Leurs données limitées montrent que les taux de NfL restent relativement stables dans le liquide céphalo-rachidien. Au 120ème jour, ces tendances se maintiennent avec un taux de huntingtine expansée demeurant faible et des taux de NfL restant stables. Cela justifie un schéma posologique moins fréquent. Bonne nouvelle !
Il existe quelques effets secondaires que la compagnie VICO pense être liés aux injections rachidiennes au fil du temps. Il est important de noter que ces effets ont disparus après le traitement mais ils sont graves et doivent être surveillés. La compagnie VICO continue de suivre tous les participants pour des raisons de sécurité et élaborent un plan pour y remédier à l’avenir. Dans les prochains essais de sécurité, ils testeront une approche modifiée où le médicament sera administré moins fréquemment. Actuellement, ils sont en discussion aves les organismes réglementaires pour les prochaines étapes du médicament.
* La société UniQure sur le médicament AMT-130
Le médicament AMT-130 vise à diminuer la huntingtine , il est administré selon une chirurgie cérébrale et actuellement testé dans le cadre d’un essai de Phase I/II. Les scientifiques disposent de deux ans de données de suivi concernant 21 personnes traitées avec ce médicament aux Etats-Unis et en Europe. Celles-ci ont reçu soit une dose élevée, soit une faible dose du médicament.
Il est important de noter qu’aucun nouvel évènement lié à la sécurité n’a été rapporté. Il avait été précédemment rapporté quelques évènements liés à la sécurité dans le groupe à dose élevée de cette étude que l’on pensait liés aux doses élevées du virus administrées à ce groupe.
Il semblerait qu’il y ait un ralentissement de la progression de la maladie chez les personnes ayant reçu le médicament AMT-130. Cependant, il s’agit d’un essai de faible envergure qui n’a pas été mis en place pour tester les effets du médicament sur l’évolution de la maladie. Davantage de données sont nécessaires pour savoir si cette tendance se maintiendra.
Il semble également que les personnes ayant reçu le médicament présentent une diminution dans le biomarqueur NfL après deux ans de traitement, ce qui pourrait suggérer que la neurodégénération ralentit. Cependant, la compagnie UniQure n’a toujours pas présenté de données liées à la diminution de la huntingtine. Celle-ci discute avec les organismes de réglementation pour continuer à faire avancer le médicament.
* La compagnie SOM BIOTECH sur le médicament SOM3355
Cette compagnie teste dans une étude de Phase 2b un médicament destiné à améliorer la chorée, les symptômes moteurs de la maladie de Huntington. Leur médicament, SOM3355, possède une structure chimique unique, en comparaison à d’autres médicaments actuellement administrés pour traiter la chorée. Avoir plusieurs options de traitement disponibles pour la chorée pourrait être utile afin d’améliorer la qualité de vie des personnes vivant avec la MH.
Leur essai suggère que le médicament est dans l’ensemble sûr et bien toléré.
Ils ont noté un effet placebo élevé (amélioration sans médicament), ce qui montre l’importance de mener des essais cliniques équilibrés et bien contrôlés avec de nombreuses personnes différentes. Malgré cela, ils ont observé une diminution significative de la chorée chez les personnes ayant reçu le médicament, avec peu d’effets secondaires. La compagnie SOM Biotech prévoit d’aller de l’avant avec un essai de Phase 3 s’agissant de ce médicament pour la MH.
Mises à jour des groupes de travail du Huntington Study Group
Le HSG dispose de groupes de travail regroupant des chercheurs et des cliniciens ayant des intérêts similaires, lesquels se réunissent pour travailler sur de potentielles collaborations et résoudre des problèmes. Les collaborations rendent la science plus forte et rapide. Les sujets de travail des groupes comprennent notamment la génétique, les troubles comportementaux, la neuropsychologie, la réadaptation, la MH juvénile, les biomarqueurs numériques et le travail social.
Le groupe d’évaluations numériques travaille à la recherche de moyens afin d’évaluer à domicile les mouvements, le comportement et la réflexion afin de concevoir des essais cliniques moins contraignants, utilisant des évaluations réalisées à domicile et des appareils intelligents. Il a récemment obtenu une importante subvention gouvernementale pour mener une étude sur la maladie de Huntington.
Le groupe travaillant sur la neuropsychologie a récemment publié des lignes directrices et un cours de formation à l’attention des médecins moins familiarisés avec la maladie et la neuropsychologie. Ces lignes directrices couvrent des symptômes moteurs involontaires et les approches qu’ils peuvent adopter pour intervenir.
Le groupe travaillant sur la réadaptation est composé de physiothérapeutes et d’ergothérapeutes qui contribuent à sensibiliser davantage de professionnels à la MH. Il élabore actuellement un cours en ligne pour aider le personnel des établissements de soins de longue durée à travailler avec les résidents atteints de la MH.
L’objectif du groupe travaillent sur la MH juvénile est de comprendre le paysage de soins de la MH juvénile aux Etats-Unis et de développer les meilleurs pratiques pour soutenir les personnes atteintes de la MH juvénile et leurs familles.
Le groupe travaillant sur le travail social s’efforce de mieux comprendre les rôles variés et essentiels des travailleurs sociaux au sein de la communauté MH, à l’intérieur et à l’extérieur de la clinique. Il travaille actuellement sur une enquête pour quantifier ces informations et contribuer à orienter la formation en travail social dans la MH.
Le groupe travaillant sur les troubles comportementaux élabore des lignes directrices à l’intention de professionnels non spécialisés dans la MH afin de les aider à prendre soin des personnes présentant des symptômes comportementaux de la MH. Il travaille actuellement sur un guide destiné aux professionnels de la santé sur la gestion des symptômes comportementaux aux stades avancés de la MH.
Chacun de ces groupes de travail opère dans son propre créneau en collaboration avec des experts mondiaux afin de partager des idées de recherche et des meilleurs pratiques en matière de soins.
A noter que de tels groupes existent en Europe au sein de l’EHDN.
Biomarqueurs et paramètres
* Paramètres des essais cliniques
Le consortium HD-RSC s’efforce d’identifier les besoins non satisfaits, de déterminer la pertinence clinique et d’articuler en termes scientifiques réglementaires les critères d’évaluation pour les essais. Ils s’efforcent essentiellement à déterminer quelles données sont nécessaires pour éclairer la prise de décision réglementaire afin que les chercheurs puissent faire approuver des médicaments pour la maladie de Huntington. Beaucoup de réflexion est consacrée à la manière dont ils déterminent les critères d’évaluation devant être utilisés dans le cadre des essais cliniques.
Si les progrès de la recherche permettent aux chercheurs de traiter la maladie plus tôt, cela nécessitera l’ajout de nouveaux critères d’évaluation principaux ainsi que l’inclusion de biomarqueurs, des mesures biologiques qui changent à mesure que la maladie progresse.
* Biomarqueurs dans les fluides
Il existe une variété de fluides biologiques pouvant contenir des biomarqueurs, notamment le sang, l’urine et même des larmes ! Le Dr Lauren Byrne s’est principalement concentré sur des biomarqueurs qui existent dans le liquide céphalo-rachidien, liquide dans lequel baignent le cerveau et la moelle épinière.
Le Dr Byrne a effectué de nombreux travaux sur la protéine NfL, un biomarqueur libéré par les cellules cérébrales mourantes qui augmente à mesure que la maladie progresse. Elle a examiné des tonnes d’échantillons où elle a constaté ces augmentations non seulement dans le liquide céphalo-rachidien mais également maintenant dans le sang.
Elle partage des détails sur la façon dont NfL est suivie chez les boxeurs, ce qui donne un exemple de la dynamique de ces biomarqueurs dans des cerveaux sains où il y a des lésions cérébrales aigües. Il faut 6 à 9 mois pour que les taux de NfL reviennent à la normale chez ces personnes sans maladie cérébrale sous-jacente. Comprendre comment les taux de NfL augmentent ou diminuent naturellement dans les cerveaux sains est important pour comprendre la dynamique naturelle de NfL en tant que biomarqueur.
NfL a également été examiné dans d’autres maladies cérébrales pour lesquelles il existe des médicaments permettant de ralentir l’évolution de la maladie, notamment dans le cadre de l’amyotrophie spinale pour laquelle le médicament Nusinersen a été approuvé. Cela donne une idée sur la manière dont NfL peut évoluer dans le cadre d’essais cliniques.
Le Dr Byrne met désormais en évidence les données issues d’essais cliniques récents ayant examiné les taux de NfL. Dans le cadre de certains essais, tels que celui portant sur le médicament WVE-003 de la compagnie Wave, il semble y avoir une augmentation du taux de NfL, ce qui est important à surveiller et à comprendre. Pour des médicaments nécessitant une chirurgie cérébrale, comme le médicament AMT-130 de la compagnie UniQure, les chercheurs s’attendent à une augmentation du taux de NfL car les cellules cérébrales sont inévitablement endommagées à la suite d’une chirurgie cérébrale. L’important est que cela est transitoire, et que les taux de NfL retombent à la valeur de base au fil du temps.
Le Dr Byrne a parlé ensuite des biomarqueurs dans le sang. Certains chercheurs étudient l’instabilité somatique dans le sang, laquelle peut être détectée avec de nouvelles techniques. Cela pourrait être utilisé comme un moyen non invasif pour évaluer la manière dont les nouveaux traitements affectent l’expansion de répétitions CAG.
* Biomarqueurs issus des scintigraphies cérébrales
Les méthodes d’imagerie peuvent fournir des données sur le volume du cerveau afin de donner des indices sur la perte de cellules cérébrales. L’équipe du Dr Nicola Hobbs utilise différentes techniques d’imagerie et statistiques afin de visualiser les changements cérébraux et les lier au développement et à l’évolution des symptômes MH. Cela peut aider à sélectionner des participants à des stades de la maladie très similaires afin de mener des essais cliniques informatifs.
Le Dr Hobbs a également détaillé certains des principaux défis liés à l’utilisation de l’IRM pour mesurer le volume du cerveau dans le cadre de la maladie de Huntington. Premièrement, l’interprétation peut fausser les résultats, en particulier lorsqu’il y a un gonflement du cerveau. Ainsi, les changements dans l’IRM ne sont pas toujours en corrélation avec la perte des cellules cérébrales.
Deuxièmement, les effets secondaires peuvent perturber les effets thérapeutiques. Par exemple, les médicaments qui modifient la taille des ventricules (les sacs remplis de liquide au milieu du cerveau) pourraient affecter la façon selon laquelle est analysé le volume cérébral.
Enfin, le Dr Hobbs se demande dans quelle mesure le volume cérébral doit être modifié pour définir des changements cliniquement significatifs. Personne n’a encore la réponse à cette question, ce qui rend l’interprétation de ces IRM difficile.
Au-delà des défis scientifiques, il est nécessaire de convaincre les organismes de réglementation que les essais cliniques devraient utiliser l’imagerie cérébrale pour mesurer l’efficacité d’un médicament. Le consortium HD-RSC contribue à faire avancer ces idées d’un point de vue réglementaire.
Traduction libre (Dominique C. - Michelle D.)
Source : - Article des Dr Sarah HERNANDEZ et Léora Fox du 12 novembre 2024