CONFERENCE ANNUELLE DU HUNTINGTON STUDY GROUP

Premier jour - Première partie (Mis en ligne le 19 novembre 2024)


 * Un débat pour ou contre la diminution de la protéine huntingtine

- Pour la diminution de la huntingtine

Le Dr. Blair Leavitt, chercheur clinicien MH à l’université de British Columbia, a parlé des avantages de cette approche.

Pour rappel, les CAGs supplémentaires dans le gène huntingtin conduisent à une protéine extra-longue. Le Dr. Leavitt a tout d'abord présenté des preuves issues d’études sur le gène humain et la protéine humaine pour montrer que cette forme expansée de la huntingtine peut être nocive. Il cite des preuves selon lesquelles les personnes atteintes de la maladie de Huntington produisant naturellement moins de protéine huntingtine expansée présentent une apparition tardive des symptômes de la maladie de Huntington.

Il a également partagé des données issues d’études sur différents modèles animaux et cellulaires, montrant que la réduction de la huntingtine est sans danger, et souvent bénéfique. Le degré de réduction à viser demeure une question majeure que des chercheurs cliniciens et des laboratoires continuent d’explorer.

Le Dr. Leavitt souligne également le fait que les essais cliniques ciblant la diminution de la huntingtine et portant sur les médicaments Tominersen (Roche), Branaplam (Novartis) et ceux de la compagnie Wave n’ont pas été des échecs car les chercheurs continuent d’en tirer des leçons, de repenser la chimie des médicaments, de réimaginer la manière dont les thérapies sont testées, et d’intégrer les commentaires de la communauté.

- Contre la diminution de la huntingtine

Le Dr. Alberto Espay de l’université de Cincinnati a présenté les défis de la diminution de la huntingtine et les inconvénients de cette approche. Il rappelle que la huntingtine est présente dans de très nombreuses espèces, qu’elle possède de multiples fonctions dans différentes cellules et organes, de sorte qu’il est nécessaire de faire attention à ne pas trop en supprimer.

Il affirme que les scientifiques sont certains que la protéine huntingtine peut fonctionner lorsqu’elle a une longueur normale mais ils ne sont pas complètement sûrs qu’elle ne puisse pas fonctionner lorsqu’elle est extra-longue. Il exhorte tout le monde à considérer une zone grise dans laquelle une protéine « anormale » peut faire à la fois du bien et du mal.

Les amas de huntingtine apparaissent dans les cellules cérébrales au cours de la maladie de Huntington mais cela n’est pas toujours directement en lien avec la perte de ces cellules. De plus, la huntingtine a des centaines de « partenaires de danse » et tous les scientifiques ne sont pas convaincus qu'intervenir pour rompre la danse soit une bonne idée.

Dans l’ensemble, son argument est que définir la huntingtine extra-longue comme « toxique » pourrait être une conclusion hâtive et les chercheurs devraient être prudents lorsqu’ils décident du moment et de la quantité de huntingtine à diminuer.

Il suggère également que les chercheurs pourraient envisager des approches visant à augmenter la quantité de huntingtine « normale » ou de « type sauvage » comme alternative à la diminution de la forme extra-longue ou « mutante ». Le seul problème avec cette suggestion est que cela a été tenté chez les souris modélisant la MH et les effets n’ont pas été notables, de sorte qu’il ne valait pas la peine de procéder à des essais.

- Les données feront progresser les thérapies

Le Dr. Leavitt concède que la protéine huntingtine est très importante, mais il contredit le point de vue du Dr. Espay selon lequel les chercheurs pourraient essayer d’augmenter la huntingtine de type sauvage en faisant valoir que de nombreuses preuves indiquent que la copie expansée est toxique. Le simple ajout de protéines de type sauvage ne permettra pas d’éliminer la toxicité de la copie expansée. Cependant, il existe probablement une fenêtre thérapeutique pour chaque médicament diminuant la huntingtine, où le moment et le niveau de diminution appropriés seront essentiels à déterminer.

Le Dr. Espay exhorte toutes les compagnies et les chercheurs, présents à la conférence, de réfléchir à la protéine huntingtine et à son rôle important dans les cellules alors qu’ils continuent à innover dans le domaine des thérapies de diminution de la huntingtine.

Charles Sabine, journaliste et défenseur de la maladie de Huntington, a pris la parole pour rappeler à tous qu’il reste de l’espoir dans le cadre de la diminution de la huntingtine mais qu’une diversité d’approches de recherche mènera vers un meilleur avenir pour les personnes atteintes de la maladie de Huntington. Une conclusion forte de cet intéressant débat de la part du Dr. Blair Leavitt : « Nous ferons progresser les thérapies basées sur des données ! »

* L’administration des médicaments

Le Dr. Mali Jiang de Johns Hopkins met au point de nouveaux systèmes de délivrance pour la diminution de la huntingtine et d’autres approches pour la thérapie génique. Ses travaux au sein du laboratoire du Dr. Lishan Lin portent sur une manière de reprogrammer des cellules du foie afin de produire de petites « bulles », appelés exosomes, pouvant être utiles pour délivrer des médicaments génétiques via la circulation sanguine.

Le laboratoire travaille sur un médicament, appelé ER2001, lequel a déjà été testé dans le cadre d’un essai clinique à très petite échelle sur l’homme en Chine. Le Dr. Jiang a présenté des données sur les concentrations du médicament dans l’organisme après avoir été administré par injections intraveineuses sur une période de plusieurs mois.

L’objectif principal est d’utiliser cette nouvelle approche pour diminuer la huntingtine. Le laboratoire Lin et l’entreprise à l’origine de ces travaux (ExoRNA Bioscience) espèrent aller de l’avant avec des études plus vastes (environ 30 participants) en Chine et aux Etats-Unis s’ils parviennent à trouver un soutien financier.

* Le médicament PTC-518 a un nouveau nom : Votoplam

Brian Beers de la compagnie PTC Therapeutics a présenté l’étude PIVOT-HD portant sur le médicament PTC-518, appelé désormais Votoplam (Dernier article à ce sujet du 04/07/2024).

Brian a récapitulé les résultats des personnes ayant pris le médicament Votoplam pendant 12 mois maximum. Ces personnes ont présenté une diminution des taux de huntingtine dans leur sang et leur liquide céphalorachidien par rapport à celles qui ont pris un placebo (un comprimé sans médicament).

Cette étude a porté sur un large spectre de participants présentant des symptômes précoces de la maladie de Huntington. Les effets secondaires rapportés, tels que les maux de tête, ont été minimes et une mise à jour lors de cette conférence a révélé qu’il n’y avait aucune réaction du système immunitaire. La compagnie PTC a également constaté certaines premières tendances s’agissant d’une amélioration des fonctions.

* Le contrôle des répétitions de CAG

Lors de la séance de recherche sur l’édition génétique (modification de l’ADN) et la lutte contre l’instabilité somatique (arrêt de l’expansion des répétitions CAG), le Dr. Vanessa Wheeler du Mass General Hospital et Harvard Medical School a détaillé des travaux récents portant sur les expansions CAG au niveau de la seule cellule. Cette technique a vraiment pris son essor au cours des dix dernières années et fournit aux chercheurs des TONNES de données.

Vanessa a également parlé des données GWAS – des données génétiques analysant chaque gène d’une personne. En utilisant ces grands ensembles de données issus de personnes porteuses du gène MH, les scientifiques peuvent commencer à déterminer quelles informations génétiques affectent l’âge d’apparition des symptômes.

Cela identifie des marqueurs génétiques (appelés modificateurs) qui suivent l’âge d’apparition précoce ou tardive des symptômes. L’obtention d’une meilleure connaissance de ces gènes modifiant le cours de la maladdie de Huntington est utile aux fins d’identifier des cibles potentielles pour des médicaments afin de retarder l’apparition des symptômes MH.

Vanessa et son équipe étudient actuellement les modificateurs de l’instabilité somatique, l’expansion perpétuelle des répétitions CAG dans les cellules cérébrales vulnérables. Ils espèrent identifier des gènes contrôlant l’instabilité somatique qu’ils peuvent cibler thérapeutiquement.

Actuellement, ils testent ces gènes cibles chez les souris modélisant la MH. Lorsqu’ils utilisent la technologie CRISPR pour modifier les taux de ces cibles, ils ont constaté qu’ils étaient capables de contrôler le degré d’instabilité somatique. Jusqu’à présent, ils ont testé 60 cibles différentes.

Chaque gène modificateur, contrôlant l’instabilité somatique dans les cellules ou les souris, ont le potentiel pour devenir une cible thérapeutique. Ils testent également des combinaisons de cibles, ce qui devient assez compliqué avec 60 cibles.

Vanessa et son équipe étudient également la manière dont des cibles uniques ou combinées pourraient avoir des effets différents chez différents types de cellules. Ainsi, un modificateur qui ralentit ou stoppe l’instabilité somatique dans les cellules de soutien au sein du cerveau (glia) pourrait avoir un effet différent dans les neurones

Elle a également partagé des détails s’agissant d’un modificateur spécifique qu’ils ont examiné, appelé LIG1, et qui semble réduire l’expansion somatique dans le cerveau des souris modélisant la MH.

En fin de compte, l’objectif de Vanessa est d’identifier des modificateurs génétiques de l’expansion somatique qui contrôleront l’instabilité, conserveront les cellules cérébrales en bonne santé plus longtemps, ralentiront l’apparition des symptômes et donneront aux personnes atteintes de la MH davantage de meilleures années, en bonne santé.

* La technologie CRISPR pour l’édition des gènes

Le Dr. Ricardo Mouro Pinto, également du Mass General Hospital et Harvard Medical School a parlé de l’édition génétique, une approche consistant à modifier le schéma génétique pour étudier et finalement traiter la maladie de Huntington.

Ricardo a commencé par une introduction sur la technologie CRISPR, un puissant outil d’édition génétique que l’on peut comparer à des ciseaux moléculaires. Les chercheurs peuvent identifier des cibles ADN qu’ils souhaitent modifier, déployer la technologie CRISPR contre ce code de lettres ADN et le remplacer par une nouvelle séquence.

Il a expliqué en détail comment les différentes lettres de l’ADN peuvent être échangées à l’aide de différentes techniques.

Ricardo évoque deux principaux défis pour la technologie CRISPR dans la recherche clinique sur la MH : l’administration et la sécurité. Comment faire parvenir le médicament au cerveau et comment s’assurer qu’il ne réalise que les modifications de l’ADN souhaitées.

Il indique que le NIH (agence de financement en science et médecine aux Etats-Unis) a créé une nouvelle initiative de financement afin de soutenir l’avancement des thérapies d’édition génétique. Deux des cinq projets actuellement financés sont axés sur la MH !

L’un de ces projets vise à essayer de supprimer les répétitions CAG supplémentaires du gène huntingtin, tandis que l’autre tente d’empêcher les répétitions de CAG de s’allonger, luttant ainsi contre l’instabilité somatique.

Certaines personnes atteintes de la MH possèdent des « interruptions » dans leurs répétitions CAG avec un triplet CAA à place du triplet CAG. Ces personnes semblent présenter une apparition plus tardive des symptômes. Un groupe de collaborateurs financé par le NIH (dont Ricardo) travaille sur des techniques permettant de transformer les CAGs en CAAs.

Ricardo est revenu sur certains de ces « modificateurs » de l’instabilité somatique évoqués par Vanessa Weehler. Il se concentre sur un dénommé MLH3, explore des techniques d’édition CRISPR complexes afin de réduire les taux de celui-ci. Cela peut, dans les cellules, ralentir ou stopper l’accroissement des répétitions CAG. La prochaine étape consiste à tester ces techniques chez les souris et sur les cellules humaines imitant plus étroitement la MH.

Les chercheurs sont probablement encore loin des essais de ces approches sur l’homme, mais il est néanmoins intéressant de voir que les travaux gagnent en popularité et en financement. Le grand avantage potentiel d’une thérapie d’édition génétique est qu’elle pourrait être administrée une fois avec des effets permanents.

Traduction libre (Dominique C. - Michelle D.) 

Source :   - Article des Dr Sarah HERNANDEZ et Léora Fox du 12 novembre 2024