Conférence thérapeutique annuelle CHDI - Deuxième session du 25 avril 2023

Autres gènes MH : Les progrès actuels sur les modificateurs génétiques humains.
Mis en ligne le 13 mai 2023


 Sur les modificateurs génétiques MH

Comprendre MSH3 dans le cadre de la maladie de Huntington

Des études génétiques humaines à grande échelle, connues sous le nom de GWAS, ont permis aux chercheurs d’identifier ces modificateurs génétiques, d’autres gènes influençant le début des symptômes de la maladie de Huntington. La première intervention est celle de Dan Felsen et Tasir Haque, scientifiques de la Fondation CHDI qui ont parlé de leur gros effort d’équipe pour étudier un gène identifié dans GWAS, appelé MSH3, et comment ils pourraient être en mesure de concevoir des médicaments ciblant cette protéine.

MSH3 reconnaît des morceaux d’ADN dépareillés qui doivent être corrigés. L’expansion CAG dans le gène huntingtin est susceptible de créer ces morceaux dépareillés et on pense que l’activité de MSH3 au niveau du gène huntingtin pourrait par inadvertance augmenter le nombre de répétitions CAG dans les cellules cérébrales (instabilité somatique). Les scientifiques pensent que MSH3 pourrait être une bonne cible pour des médicaments car la désactivation de ce gène semble être bénéfique dans des modèles animaux MH car elle réduit l’instabilité somatique – l’expansion du nombre de CAG – dans le gène huntingtin.

Désactiver complètement un gène est assez difficile à réaliser chez l’homme ; c’est pourquoi, à la place, les scientifiques mettent au point des médicaments dits « à petite molécule », lesquels pourraient potentiellement être administrés par voie orale tous les mois et visant à empêcher MSH3 de fonctionner si bien dans les cellules. L’équipe de Dan a envisagé différents moyens pour inhiber MSH3 et créé une boîte à outils de matériels et de protocoles pour étudier leurs petites molécules. Cela aidera d’autres chercheurs qui espèrent mettre au point des médicaments ciblant MSH3. Pour fabriquer de meilleurs médicaments, il est utile de pouvoir « voir » la protéine MSH3. Il est possible de créer des modèles 3D de la protéine à l’aide de techniques astucieuses, et les scientifiques peuvent ensuite voir où est leur molécule et comment elle se lie.

Tasir Haque montre maintenant des animations qui zooment sur différentes parties de la protéine MSH3 et où les médicaments s’intègrent. Beaucoup de gribouillis qui ont une grande signification pour les biologistes structurels ! A l’aide de ces modèles, ils peuvent déterminer comment mieux améliorer ces molécules médicamenteuses à un stade précoce afin de mieux s’adapter à tous les coins et recoins de la surface de la protéine MSH3, ce qui devrait améliorer leurs propriétés.

Des médicaments ciblant MSH3

Prochain intervenant : Caroline Benn de la compagnie LoQus23 Therapeutics, une compagnie qui travaille également au développement de médicaments ciblant MSH3 – C’est un domaine brûlant ! La compagnie LoQus23 adopte une approche légèrement différente de celle du programme de la Fondation CHDI s’agissant de MSH3 – ils mettent au point des molécules qui ciblent une zone différente de la protéine. Il s’agit d’une bonne nouvelle pour le domaine de la MH car c’est génial de pouvoir tester plusieurs approches ! Bien que leur approche consistant à cibler des zones différentes de la protéine MSH3 soit plus difficile, ils ont réussi et ont trouvé deux de ces séries de molécules qui sont très puissantes et sélectives, ce qui signifie qu’elles se lient très étroitement à la protéine MSH3 sans affecter les autres protéines.

La compagnie LoQus23 a également établi un moyen de mesurer l’instabilité somatique dans des cellules en culture afin de tester le bon fonctionnement de leurs molécules. Il s’agit d’expériences complexes qui prennent des semaines du début à la fin. Ils seront en mesure d’utiliser cette plateforme pour trouver de nouvelles cibles, en dehors de MSH3, jouant un rôle similaire dans cette partie de la réparation des dommages à l’ADN, si importante dans le cadre de la maladie de Huntington.

James Fleming de la compagnie Pfizer est ensuite intervenu. Cette compagnie développe également des médicaments pour cibler la voie impliquant MSH3. Elle adopte une approche similaire à celle de l’équipe de la Fondation CHDI, et comme d’autres, elle a développé une suite d’outils et de méthodes pour tester la capacité de leurs molécules à empêcher l’expansion des répétitions CAG.

Comme d’autres compagnies pharmaceutiques, la compagnie Pfizer adopte une série d’étapes pour dépister de potentiels composés médicamenteux, comprendre s'ils interagissent avec la protéine qu’ils ciblent, et ensuite les tester dans des cellules ou des animaux. Eux aussi utilisent des modèles 3D et des essais chimiques pour démontrer que leurs médicaments peuvent se lier au complexe protéique dont fait partie MSH3, ce qui les a aidés à améliorer ces molécules au fil du temps. La prochaine étape est de tester ces médicaments dans des cellules en culture. Une grande partie de ces travaux se concentrent sur les moindres détails de la chimie, de la structure et de l’énergétique des protéines. Beaucoup de mathématiques entrent dans le développement de médicaments !

Pour amener ces études chez les animaux, puis plus tard chez l’homme, il faudra un médicament possédant de bonnes propriétés : la capacité à cibler MSH3, la capacité pour le corps à le décomposer, et la capacité pour le médicament à pénétrer dans le cerveau. Pas une mince tâche ! Après avoir mieux compris les propriétés d’un nouveau médicament dans les cellules et animaux, l’innocuité de celui-ci sera ensuite testée chez l’homme. A l’heure actuelle, c’est un peu loin dans le futur pour tous les composés présentés aujourd’hui mais c’est passionnant de voir que les compagnies font avancer les travaux.

Des ensembles de données massifs pour identifier des modificateurs génétiques

Jim Gusella de Harvard a parlé des modificateurs génétiques dans la maladie de Huntington au nom d’un grand consortium de scientifiques qui étudient la génétique de cette maladie.

Jim commence sa présentation en saluant toutes les familles MH qui ont si généreusement partagé leurs données et échantillons avec les chercheurs MH au fil des ans et sans qui, ces analyses à grande échelle ne seraient pas possibles. Une découverte intéressante, que l’on connaît depuis un certain temps maintenant, est que les personnes ayant le même nombre de CAG peuvent commencer à présenter des symptômes à des âges très différents. Les modificateurs génétiques sont des marqueurs dans l’ADN qui peuvent expliquer cette apparition précoce ou tardive des symptômes.

De plus en plus de preuves pointent vers un facteur particulier de l’apparition et de la vitesse avec laquelle la MH s’aggrave avec le temps : l’expansion des répétitions CAG dans certaines cellules. Ce processus, connu sous le nom d’instabilité somatique, semble être directement lié aux modificateurs génétiques. La puissance de ces études sur les modificateurs provient du nombre d’échantillons de patients analysés – davantage de données signifie des conclusions plus fiables. Dans l’étude la plus récente, les données de 11 698 participants ont été analysées, ce qui est incroyable !

Un problème avec la recherche MH, et la science en général, est que bon nombre d’échantillons analysés proviennent d’Européens ou de personnes d’origine européene. Dans ce dernier ensemble de données, l’équipe s’efforce d’inclure un groupe plus diversifié de patients dans les données. Avec une telle richesse et diversité de données, il est possible de faire un zoom arrière à grande échelle et de réaliser des prédictions générales sur la façon dont les modificateurs génétiques (de minuscules changements au sein d’autres gènes) affectent le moment où les personnes atteintes de la MH pourraient atteindre certains stades de la MH.

Il est important de souligner qu’il s’agit d’un moyen d’avoir plus confiance dans les autres gènes affectant le plus la MH chez les personnes. Ceci est différent de la possibilité de prédire l’apparition ou l’évolution de la maladie chez un individu atteint de la MH. L’équipe de Jim et le consortium génétique ont également étudié comment de subtiles différences ou « interruptions » dans la séquence CAG au sein du gène huntingtin affectent la structure de l’ADN et la tendance des répétitions à devenir instables et à croître davantage. La bonne nouvelle de cet ensemble de données le plus récent est que MSH3, sujet de la précédente intervention, est toujours un modificateur très important selon toutes les analyses de Jim et ses collègues. Cela donne beaucoup de crédibilité à toutes ces approches ciblant l’instabilité somatique et tentant d’empêcher l’expansion des répétitions CAG ou de la réduire.

Les expansions CAG dans des cellules cérébrales spécifiques

Nathaniel Heintz, de l’Université de Rockefeller, a présenté ses travaux sur la compréhension des gènes activés ou désactivés dans le cadre de la maladie de Huntington. Le laboratoire de Heintz a développé une série de techniques permettant aux scientifiques de « trier » les noyaux de nombreuses cellules différentes et d’étudier les messages génétiques dans de nombreux types de cellules. C’est devenu un moyen important d’étudier pourquoi certaines cellules sont les plus vulnérables dans la MH et d’autres maladies. Ces analyses utilisent des échantillons de tissus cérébraux post-mortem, rendues possibles par l’incroyable générosité de la communauté MH.

Le striatum, une zone située au centre du cerveau, est le plus profondément affecté dans le cadre de la MH. L’équipe de Heintz est capable de trier différentes types de cellules dans le striatum et a découvert que l’expansion de répétitions CAG apparaît plus souvent dans un type de cellules, les neurones épineux moyens.  

On sait depuis longtemps qu’un très grand nombre de neurones épineux moyens (MSNs) sont perdus dans le cadre de la MH. Il existe différents types de neurones épineux moyens et, curieusement, il apparaît que ceux qui sont vulnérables dans le cadre de la MH et ceux qui survivent sont sujets à une expansion de répétitions CAG. La raison pour laquelle ces neurones épineux moyens semblent avoir des taux d’expansions plus élevés pourrait être due aux taux plus élevés de protéine MSH3 que l’on trouve dans ces cellules mais ce lien n’est pas encore prouvé.

Les neurones épineux moyens ont également un très grand nombre de gènes qui sont activés ou désactivés dans le cadre de la MH – 1 000 actifs et 500 inactifs ! De nombreux gènes affectés sont impliqués dans la réparation des dommages à l’ADN – renforçant encore une fois le rôle important que jouent probablement ceux-ci dans le cadre de la MH.

Des travaux en cours portent sur des questions de savoir quand les neurones épineux moyens sont affectés dans le cadre de la MH et comment intervenir au mieux. Ils examinent également d’autres zones cérébrales et analysent couche par couche pour comprendre avec exactitude quels types de cellules sont endommagés ou perdus.

Vitesse des expansions CAG

Le dernier intervenant de cette session est Steve McCarroll d’Harvard. Son laboratoire étudie quels gènes sont activés ou désactivés au niveau des cellules individuelles, au lieu d’un grand mélange de charges de différents types de cellules – une approche incroyablement détaillée. Il utilise une analogie avec des fruits pour parler de la puissance de cette technique – vous pouvez comparer des types de cellules comme différents types de baies ; le même type de cellule dans différentes personnes, comme des pommes avec des pommes ; les différences entre différentes cellules du même type, comme regarder deux myrtilles.

Ils peuvent, à partir de ces analyses de cellule unique, déterminer quelles cellules disparaissent au cours de la MH, confirmant les précédentes découvertes selon lesquelles les neurones épineux moyens et les neurones de projection épineux sont les types de cellules nerveuses les plus vulnérables. Ils peuvent également déterminer avec exactitude quelles cellules possèdent des expansions CAG – cela semble suggérer que les neurones épineux moyens vulnérables sont les plus susceptibles d’avoir davantage d’expansion. L’expansion CAG au cours de la vie d’une personne dans ces cellules semble être très spécifique au gène huntingtin UNIQUEMENT, et pas à d’autres gènes ayant des types similaires de code ADN. La majorité de ces cellules cérébrales vulnérables ont une expansion modérée de répétitions CAG mais un petit sous-ensemble a d’énormes expansions, dont les scientifiques n’ont pas encore tout à fait compris la raison.

Selon les données du laboratoire de McCarroll, les expansions modérées semblent apparaître très lentement au fil du temps, mais les expansions les plus exagérées apparaissent plus rapidement. La question clé est de savoir à quel seuil du nombre de répétitions CAG, l’expansion s’accélère-t-elle, entrainant des dommages et la mort de ces cellules nerveuses vulnérables ? Pour essayer de comprendre cela, le laboratoire de McCarroll peut comparer les neurones individuels avec différents nombres de CAG, et les diviser en groupes pour mieux comprendre quelles longueurs sont les plus problématiques. Ils ont regroupé les cellules par nombre de CAG et étrangement, ils n’ont pas vu trop de différences dans les gènes activés et désactivés aux longueurs de répétitions différentes. Les changements les plus profonds se produisent dans les cellules avec des répétitions CAG très, très longues, plus de 180.

McCarroll propose une façon très différente de penser la pathologie MH et le fonctionnement de la maladie au fil du temps. Il y a des bavardages intéressants dans le public ! Mais c'est pourquoi il est si bon que tous ces scientifiques puissent se réunir lors de cette conférence pour débattre de toutes ces idées.

Traduction Libre (Dominique C . - Michelle D.)

Source :   - Article de Joël Stanton - Dr. Rachel Harding - Dr. Léora Fox et Dr. Tamara Maiuri du 26 avril 2023