Conférence thérapeutique annuelle CHDI - Quatrième session du 27 avril 2023

Biofluides et biomarqueurs d'imagerie : de la découverte à la validation clinique
Mis en ligne le 5 juin 2023


 Les biomarqueurs

La quatrième session était axée sur les biomarqueurs, des choses que l'on peut mesurer pour obtenir une image de la santé de la personne ou de sa réaction à un médicament. Différents types de mesures par des biomarqueurs peuvent porter sur la prédiction de l’apparition, sur le suivi de la maladie de Huntington chez une personne ou sur la vérification de l’innocuité d’un médicament. 

L'étude HDClarity

Premier intervenant : Dr. Niels Henning Skotte de l’université de Copenhague a présenté ses travaux d’études portant sur des biomarqueurs à partir d’échantillons de patients MH. Il utilise des échantillons provenant d’une vaste étude de collecte de liquide céphalo-rachidien, appelée HD Clarity ( https://hdclarity.net/). Il a tout d'abord parlé de l’importance du « contrôle de la qualité » dans les échantillons de liquide céphalo-rachidien – des tests pour s’assurer qu’il n’y a aucune contamination et que les échantillons sont correctement stockés. Il a également présenté quelques statistiques pour montrer les quantités nécessaires pour répondre aux différents types de questions s’agissant de la maladie de Huntington. De nombreuses protéines, lesquelles sont de potentiels biomarqueurs, ne sont présentes qu’en infimes quantité dans les échantillons des patients.

Il existe des graphiques spéciaux, appelés « nuages de points », permettant aux chercheurs de voir quelles protéines présentes dans le liquide céphalo-rachidien diffèrent le plus entre les personnes porteuses du gène MH et les non-porteuses. Certains des biomarqueurs potentiels présentent même des différences entre  les personnes non-porteuses du gène MH et celles porteuses présymptomatiques, ce qui pourrait être utile dans la recherche de traitements pouvant être administrés avant l’apparition des symptômes. Lorsque certains taux de protéines diffèrent entre les personnes porteuses du gène MH et non-porteuses dans le sang et le liquide céphalo-rachidien, les chercheurs les examinent de plus près pour comprendre comment, et si possible pourquoi, leurs taux changent au cours des différents stades de la MH. Lorsqu’un changement de protéine est constant chez de nombreuses personnes, il peut être ensuite considéré comme un biomarqueur utile dans le cadre de la MH. Le rôle des différentes protéines dans le corps  et la manière dont elles interagissent entre elles sont pris en considération, ce qui peut donner des indices sur les processus biologiques affectés dans le cadre de la MH.

A l’ère de l’intelligence artificielle, les scientifiques peuvent fournir de grands ensembles de données aux systèmes informatiques et leur demander de prendre en compte des ensembles complexes de facteurs afin de déterminer quelles protéines feraient les meilleurs biomarqueurs. Le Dr Henning Skotte utilise des approches d’apprentissage automatique pour faire exactement cela. A l’avenir, la mesure des changements dans les groupes de nombreuses protéines, avant le développement des symptômes, pourraient être utilisée pour mieux suivre une personne et savoir où elle se situe dans l’évolution de la maladie ou pour décider le moment où elle devrait débuter le traitement.

Des molécules de graisse comme biomarqueur de la maladie de Huntington

Le Dr. William Griffiths de l’université de Swansea a expliqué comment le cholestérol et d’autres molécules de graisse pourraient être utilisés en tant que possibles biomarqueurs pour la maladie de Huntington. Celui-ci a rappelé qu’environ 25% du cholestérol de l’organisme est présent dans le cerveau, et qu’une grande partie de celui-ci est fabriquée sur place. Certains types de cholestérol sont capables de sortir du cerveau, de sorte que les cheercheurs pourraient être en mesure d’évaluer leurs taux pour mieux comprendre la santé du cerveau.  Une perturbation du processus de fabrication du cholestérol et les changements dans les taux de celui-ci ont été observés dans le cadre de la MH, et en fait, il existe des efforts de développement de médicaments axés sur la correction de ces changements.

Les travaux du Dr Griffiths portent sur l’évaluation des différences entre les taux de cholestérol chez des personnes atteintes de la MH et des personnes saines pour voir si ces molécules pourraient être utilisées en tant que biomarqueur. L’évaluation et l’analyse des cholestérols nécessitent des techniques de biochimie sophistiquées. Les molécules spécifiques, qu’ils recherchent, sont difficiles à détecter, même avec un équipement haut de gamme disponible, ils ont donc dû peaufiner le système utilisant une technique appelée « chimie du clic ». Cela augmente  le signal du cholestérol de la taille d’une herbe à la taille d’un arbre, ainsi que l'a expliqué le Dr Griffiths. Son équipe a constaté qu’une forme de cholestérol, uniquement générée dans les neurones, est diminuée dans des échantillons sanguins de patients MH, ce qui en fait un biomarqueur potentiel.

L’instabilité somatique comme biomarqueur de la maladie de Huntington

Prochain intervenant : le Dr. Darren Monckton de l’Université de Glasgow a parlé de son équipe de recherche axée sur la question de savoir si certains aspects de l’instabilité somatique pourraient être un biomarqueur de la maladie de Huntington.

Les scientifiques peuvent mesurer les taux de l’instabilité somatique de la partie répétée de CAG du gène MH dans tous les types d’échantillons de patients différents. Le Dr. Monckton utilise des techniques de séquençage sophistiquées pour réaliser cela, aussi précisément que possible, dans l’ADN de dons sanguins de personnes atteintes de la MH. L'équipe de Monckton a cartographié la façon dont l’expansion de répétitions CAG change au fil du temps (instabilité somatique) à des taux différents dans les échantillons sanguins en fonction de l’âge de la personne et de son nombre initial de CAG.

Ils ont également examiné des échantillons sanguins d’un même individu, collectés à 7 ans d’intervalle. Cela donne des indices sur la manière dont l’instabilité somatique augmente chez chaque personne au fil du temps. Même au cours de cette énorme période, les changements sont généralement très subtils et se produisent lentement. Il est très important de pouvoir évaluer ces petits changements car les médicaments potentiels, qui modifieront le taux de l’instabilité, auront probablement aussi des effets très subtils.

Ces techniques seront probablement très utiles dans certains des essais cliniques en cours. La maladie de Huntington n’est pas la seule maladie présentant une instabilité somatique, et les techniques en développement dans le laboratoire de Monckton pour évaluer les changements subtils de l’ADN au fil du temps seront utiles pour l’étude d’autres maladies génétiques et des traitements correspondants, en dehors du domaine de la MH.

Suivi de la maladie de huntington par tomoscintigraphie par émission de positons (PET scan)

Le Dr. Mette Skinbjerg a parlé d'un traceur TEP huntingtin permettant de suivre les amas de protéines toxiques dans le cerveau, s’accumulant au fil du temps (A ce sujet : Article du 1er mars 2022). Sans traceur, le seul moyen de voir comment la protéine s’accumule dans le cerveau humain est d’examiner des échantillons post-mortem. Les traceurs sont un moyen sûr de regarder chez des personnes en vie et ceux-ci pourraient être un excellent moyen de voir comment des médicaments pourraient agir.

La Fondation CHDI a travaillé avec des partenaires universitaires pour mettre au point un traceur pour la maladie de Huntington, qu’ils ont largement caractérisé dans de nombreux modèles animaux différents, incluant des souris et des singes, leur permettant de suivre l’accumulation des amas de protéines au fil du temps. Ils vont maintenant au-delà des modèles animaux pour tester leur traceur chez des personnes. Les traceurs sont marqués à la radioactivité afin que les scientifiques puissent évaluer où ceux-ci se collent à la cible – en l’espèce, les amas. Il est important que les traceurs quittent le corps après le dosage  afin que l’exposition à la radioactivité soit dans la plage de sécurité.

Bien que le traceur semble être sans danger afin d’être utilisé chez l’homme, malheureusement, le signal dans le cerveau n’a pas suivi ce que les scientifiques avaient prévu. C’est décevant mais ce programme a permis d'en apprendre davantage s’agissant de la mise au point d’un traceur pour la MH, laquelle pourra être utilisée pour en réaliser de meilleurs à l’avenir. L’équipe travaille maintenant sur une nouvelle génération de traceurs qui, espère-t-elle, fonctionneront beaucoup mieux. Les choses progressent en laboratoire avec de nombreux tests sur des animaux MH.

Biomarqueurs et apprentissage automatique

Prochain intervenant : Dr. Peter Wijeratne de l’Université du Sussex, dont l’équipe vise à utiliser des biomarqueurs et l’apprentissage automatique (sous-catégorie de l’intelligence artificielle) pour caractériser et prédire l’évolution de la maladie de Huntington chez les individus.

Alors que les chercheurs continuent d’identifier toutes sortes de biomarqueurs différents à partir de biofluides, d’imagerie, etc..., de nombreux biomarqueurs pour une personne pourraient être combinés afin d’obtenir de meilleures prédictions. Mais la combinaison et la compréhension de toutes ces données ensemble est difficile à réaliser pour les personnes, c’est là que l’intelligence artificielle (IA) peut aider les chercheurs !

Le Dr. Wijeratne a utilisé un exemple amusant de ChatGPT pour expliquer l’apprentissage automatique – un algorithme qui peut s’adapter et faire des déductions à partir de modèles de données. Il a montré avec quelle rapidité ces systèmes peuvent apprendre de nouvelles informations et prendre des décisions éclairées – très intéressant ! Pour « former » le système IA, on a besoin de beaucoup, beaucoup de données d’entraînement de haute qualité pour lesquelles les scientifiques connaissent déjà la réponse. Le système IA peut alors apprendre à repérer des modèles dans ces données, ce qui lui permet de repérer des modèles similaires et connexes dans les données de test où les réponses ne sont pas encore connues.

L’équipe de Peter examine les données d’imagerie cérébrale provenant de trois études différentes portant sur la façon dont les différentes structures cérébrales changent dans le cadre de la MH au fil du temps. En formant l’IA sur ces ensembles de données riches et complexes, ils espèrent être capables de réaliser des prédictions robustes s’agissant de la maladie. Ils s’avèrent que de bonnes prédictions s’agissant de l’apparition de la maladie ont été réalisées et les résultats concordaient bien avec le système de stadification HD-ISS. Ils espèrent que cela leur sera utile à l’avenir pour réaliser des prédictions au niveau individuel.

Les taux de huntingtine et le médicament Tominersen

Le Dr. Blair Leavitt, un clinicien/chercheur de l’Université de la Colombie-Britannique a présenté son étude des échantillons provenant de l’essai GEN-EXTEND portant sur le médicament Tominersen. Il a approfondi la façon dont les taux de huntingtine changent avec le traitement Tominersen.

Il a commencé par remercier les membres familiaux MH qui partagent généreusement et de manière désintéressée des échantillons biologiques avec les scientifiques afin de créer une ressource de biobanque. Ceci est inestimable pour les scientifiques afin de comprendre la maladie de Huntington et la façon avec laquelle les médicaments peuvent changer le chemin de cette maladie. Le Dr Leavitt se concentre sur un individu en particulier, qui était très attaché au don de son cerveau après son décès. Un riche ensemble de données et de nombreux échantillons sont disponibles à partir des essais portant sur Tominersen, auxquels il a participé, ainsi que son tissu cérébral qui offre une rare fenêtre sur les effets des médicaments.

En examinant le cerveau, l’équipe de scientifiques du Dr Leavitt a été en mesure d’évaluer les taux du médicament dans les différentes régions et de les comparer aux niveaux d’exposition prédits par de précédentes expériences sur les singes. En général, ceux-ci ont montré que les prédictions étaient plutôt bonnes. Ils ont ensuite examiné les taux de huntingtine dans les différentes zones du cerveau et comment ceux-ci se comparent aux cerveaux témoins. Comme prévu pour un traitement diminuant la huntingtine, les taux chez cette personne étaient bien inférieurs à ceux des personnes témoins. Malheureusement, les taux de huntingtine dans le liquide céphalo-rachidien étaient trop faibles pour être quantifiés chez cette personne. Ce qui signifie que les chercheurs ne savent pas dans quelle mesure les taux de huntingtine dans le cerveau et le liquide céphalo-rachidien sont corrélés, du moins pour ce participant à l’essai.

Traduction Libre (Dominique C . - Michelle D.)

Source :   - Article de Joël Stanton - Dr. Rachel Harding - Dr. Léora Fox et Dr. Tamara Maiuri du 28 avril 2023