Conférence thérapeutique annuelle CHDI - Cinquième session du 27 avril 2023

Cette dernière session a principalement porter sur des essais cliniques.
Mis en ligne le 26 juin 2023


 Les essais cliniques

Classement des stades de la maladie de Huntington

Le Dr. Jeff Long de l’Université de l’Iowa a parlé du système HD-ISS, un système de stadification pour la maladie de Huntington. Il s’agit d’un outil de recherche clinique permettant aux chercheurs de mieux classer les personnes aux premiers stades de la MH pour une conception des essais et un recrutement plus efficaces.

Maintenant que ce nouvel outil est largement utilisé, l’équipe de Jeff développe une base de données sur les informations issues de grands essais observationnels, tels que IMAGE-HD, PREDICT-HD, TRACK-HD et ENROLL-HD, afin de mieux comprendre l’évolution temporelle vers les stades du système HD-ISS. L’équipe  de Jeff, ayant mis au point ces outils, cherche à comprendre comment ceux-ci pourraient être utiles dans le cadre d’un essai clinique – combien de patients MH, à un stade particulier de la maladie, seraient nécessaires pour générer des résultats solides pour nous convaincre si un médicament a agi ou non.

Depuis que le système HD-ISS incorpore des données issues d’images cérébrales, de biomarqueurs et de génétiques, de nombreuses variables peuvent être prises en considération pour définir les meilleures mesures cliniques à utiliser pour démontrer si un nouveau médicament pourrait agir. En utilisant des bases de données d’essais observationnels, des chercheurs, comme Jeff, peuvent appliquer des techniques statistiques afin de mieux prédire le nombre de participants et les types d’évaluations susceptibles d’être nécessaires afin de démontrer les avantages d’un médicament. Il s’agit de mathématiques complexes et importantes qui illustrent l’importance de la participation à la recherche observationnelle.

  Sur le médicament Pridopidine (étude PROOF-HD)

La prochaine intervention était très attendue et portait sur les tous premiers résultats de l'essai PROOF-HD concernant le médicament Pridopidine. L'essai n'a pas atteint ses principaux critères d'évaluation, mais voici les données.

Le Dr. Michael Hayden, PDG de la compagnie Prilenia a tout d’abord expliqué le mécanisme par lequel le médicament est censé affecter les cellules nerveuses, en particulier son action sur un type de récepteur qui facilite la communication entre les neurones, connu sous le nom de sigma 1.

L’essai PROOF-HD était conçu pour utiliser certaines évaluations cliniques, une combinaison de tests moteurs, comportementaux et cognitifs pour voir si le médicament Pridopidine aidait à ralentir l’aggravation des symptômes MH sur une période d’environ un an et demie. Les essais sont conçus avec des critères d’évaluation « principaux », « secondaires » et « exploratoires ». Montrer qu’un médicament affecte les critères d’évaluation principaux est généralement la façon dont les décisions sont prises pour continuer à développer le médicament et éventuellement à le faire approuver. Cet essai a recruté rapidement et la plupart des participants sont restés au sein de celui-ci pendant toute la période, un témoignage de la mobilisation et de l’engagement des patients MH. Lorsque la grande majorité de personnes poursuivent dans un long essai, cela peut également parler de sécurité et tolérabilité du médicament.

La principale conclusion globale est que les principaux critères d’évaluations n’ont pas été atteints. En l’espèce, il s’agissait d’une évaluation de la capacité des personnes à agir au quotidien. En moyenne, les personnes prenant le médicament et celles prenant le placebo ont fonctionné de manière similaire pendant toute la durée de l’essai. Un autre critère d’évaluation important était une combinaison de différentes évaluations motrices, comportementales et cognitives, et celles-ci ne se sont pas également améliorées pour les personnes prenant le médicament Pridopidine. Ce médicament aurait pu présenter certains avantages dans une évaluation motrice, appelées le Q-motor, mais cela n’était pas statistiquement significatif.

Lorsqu’un essai est conçu, mais avant qu’il ne débute, le promoteur (en l’espèce, la compagnie Prilenia) doit prendre des décisions s’agissant des types de statistiques et analyses qu’il effectuera une fois les résultats disponibles. Dans l’essai PROOF-HD, la compagnie Prilenia a décidé que les groupes de participants seraient séparés entre ceux prenant des médicaments appelés neuroleptiques (également connus sous le nom de neuropsychotiques) et ceux ne prenant pas de tels médicaments. En effet, le médicament Pridopidine affecte certaines des mêmes voies biologiques que les neuroleptiques. Lorsque la compagnie Prilenia a examiné uniquement les données de personnes ne prenant pas de neuroleptiques, le potentiel avantage était plus évident en utilisant certaines évaluations cliniques, en particulier lors de la première année. En fin de compte, cela n’était également pas statistiquement significatif.

Le Dr.Hayden a présenté les données d’un essai portant sur le médicament Pridopidine chez les personnes atteintes de la SLA, une maladie présentant une biologie commune avec la maladie de Huntington. Cet essai a également montré certains avantages potentiels sur les critères d’évaluation secondaires.

La compagnie Prilenia pense que la Pridopidine reste prometteuse pour le traitement de la MH, et elle se concentrera maintenant sur l’approfondissement des données. Ils doivent notamment comprendre comment différents les traitements neuroleptiques affectent la réponse au médicament.

  Sur le médicament Branaplam

Le Dr. Beth Borowsky de la compagnie Novartis a présenté les résultats de leur essai portant sur un médicament appelé Branaplam chez des patients MH.

Bien que le Branaplam était sans danger chez des enfants atteints d’une autre maladie (amyotrophie spinale), certaines études animales ont indiqué qu’il existait une possibilité de lésions des nerfs se projetant du cerveau vers la peau et les muscles du corps. La compagnie Novartis a, sur la base de cette préoccupation, inclus des experts spécialisés dans ce type de lésions nerveuses parmi les patients MH traités, juste au cas où un tel symptôme apparaîtrait au cours de l’essai.

Malheureusement, en quelques semaines, quelques subtils mouvements et des évaluations en laboratoire ont suggéré que les risques redoutés étaient réellement apparus. Lors de la consultation avec leurs experts indépendants de surveillance de la sécurité, la compagnie Novartis a décidé de suspendre initialement le dosage. Au moment de la pause, les patients avaient pris le traitement pendant 5 à 22 semaines. Après un examen minutieux, ils ont constaté que 78% des patients traités présentaient un ou plusieurs signes pouvant indiquer des lésions nerveuses, ainsi que des modifications des structures du cerveau appelées ventricules.

La compagnie a, sur la base d’une analyse très minutieuse des bénéfices et risques pour les patients, pris la décision d’arrêter l’essai au mois de décembre 2022. Nous avons publié à ce sujet ici. Actuellement, tous les participants à l’essai continuent d’être surveillés pour détecter les symptômes de lésions nerveuses et pour suivre comment cela peut changer au fil du temps après l’interruption du traitement.

Le Dr Borowsky a apporté un aperçu des données que la compagnie Novartis a collectées pour informer la communauté MH de ce qu’elle a trouvé. Tout d’abord, comme espéré, le Branaplam a diminué les taux de huntingtine d’environ 25% dans le liquide céphalo-rachidien, suggérant que le médicament était capable de diminuer les taux de huntingtine dans le cerveau.

Malheureusement, la compagnie Norvatis a également constaté des taux plus élevés d’une protéine appelée neurofilament à chaîne légère, ou NfL, un marqueur des cellules cérébrales malheureuses. On a déjà parlé des NfL auparavant car ils augmentent dans le cours normal de la MH, et il s’agissait d’un gros sujet de la session portant sur les biomarqueurs lors de cette conférence. Les chercheurs pensaient que si un médicament MH agit, les taux de NfL diminueront au fil du temps. Mais dans l’étude portant sur le Branaplam, la compagnie Norvatis a découvert que les taux de NfL dans le sang et le liquide céphalo-rachidien augmentaient avec le traitement. C’est l’une des conclusions qui a décidé la compagnie Norvatis à suspendre l’étude.

Parallèlement à ces tests en laboratoire, les médecins procédaient à des études minutieuses de la fonction nerveuse chez chaque participant. Environ 86% des participants présentaient un type de symptôme neurologique et l’imagerie cérébrale a montré de plus grandes cavités remplies de liquide, appelées ventricules latéraux.

Il semble que le médicament de la compagnie Novartis ait fait ce qu’ils pensaient qu’il ferait – réduire les taux de huntingtine dans le cerveau. Malheureusement, cela s’est accompagné d’effets secondaires graves, de sorte qu’il n’y a pas de voie sûre pour ce médicament. Il est important de noter que la compagnie Novartis continue de surveiller les participants à l’essai et d’analyser les données pour éclairer le développement de médicaments à l’avenir.

Sur le médicament AMT-130

Le Dr. Talaha Ali de la compagnie UniQure a présenté une mise à jour de leur étude portant sur une thérapie génique MH appelée AMT-130. Celle-ci repose sur l’injection de virus inoffensifs comportant des instructions pour apprendre aux cellules cérébrales la manière de réduire les taux de huntingtine.

L’incroyable chose à propos de ces thérapies à base d’un gène viral est qu’elles nécessitent théoriquement qu’une seule injection car les virus persistent dans le cerveau pendant de nombreuses années – peut-être à jamais. L’inconvénient de celles-ci est qu’elles nécessitent une chirurgie afin d’administrer les virus dans le cerveau. Cette approche chirurgicale est testée dans deux essais distincts – un aux Etats-Unis et un en Europe. Dans la mesure où cela est tellement avant-gardiste, seul un petit nombre de personnes sont incluses – environ 40 patients au total.

Dans cet essai, les patients reçoivent très minutieusement, très lentement l’injection du médicament dans différentes parties des structures profondes du cerveau, qui sont le plus impactées dans le cadre de la MH. L’essai teste une faible dose et une dose élevée de l’AMT-130 et surveille de près les participants pendant la première année et ensuite plus fréquemment jusqu’à cinq ans. La compagnie UniQure partagera bientôt de nouvelles données et mises à jour, vers la fin du mois de juin 2023.

Comme indiqué précédemment, la compagnie UniQure a, en cours de route, eu des réactions préoccupantes chez trois patients. Après un examen minutieux, les médecins indépendants surveillant ces symptômes sont décidé que le risque semblait acceptable et l’essai s’est poursuivi.

Plus passionnant, la compagnie UniQure a des preuves selon lesquelles l’AMT-130 réduit les taux de huntingtine dans le liquide céphalo-rachidien, mais à ce jour, le nombre de patients traités est trop petit pour effectuer des estimations précises. 

Sur le médicament Tominersen

Le Dr Peter McColgan de la compagnie Roche, laquelle développe un médicament appelé Tominersen pour la maladie de Huntington, a exposé l’histoire du programme, de ce qu'ils ont appris appris des essais portant sur ce médicament et de ce qu’il va se passer avec l’essai GENERATION HD2 en cours.

La compagnie  Ionis a initialement développé le médicament Tominersen, un médicament génique administré par la moelle épinière, appelé un ASO. Au début de courts essais d’innocuité, il s’agissait du premier médicament capable de diminuer les taux de huntingtine chez l’homme. Cela a été suivi par un très vaste essai aux fins de tester les effets sur les symptômes MH (étude GENERATION HD1). On a appris au mois de mars 2021 que l’étude GENERATION HD1 était interrompue pour des raisons de sécurité – le médicament n’aidait pas les patients MH et à forte dose, il pouvait causer du mal.

Plus tard, la compagnie a approfondi les données et a constaté que certains participants de l’étude GENERATION HD1 avaient peut-être bénéficié du Tominersen, en particulier ceux qui ont commencé l’essai à un âge plus jeune et avec des symptômes moins sévères. La compagnie Roche a, pour cette raison, mis au point et lancé l’essai GENERATION HD2, lequel est une étude plus petite testant le médicament chez une population d’individus plus jeunes et se situant aux tous premiers stades de la MH. Cette étude recrute actuellement et à terme, il y aura 75 sites dans 15 pays.

Le Dr. McColgan a présenté des données sur NfL, une protéine pouvant servir de marqueur s’agissant de lésions aux cellules nerveuses. De nouvelles analyses de données issues de l’étude GENERATION HD1 montre que la prise de Tominersen à des doses plus faibles est probablement plus sûre, sur la base de niveaux plus faibles de NfL. L’essai GENERATION H2 teste deux doses différentes plus faibles du médicament, et la modélisation mathématique prédit que ces doses plus faibles seront plus sûres car elles n’entraîneront pas une grande augmentation de NfL.

Il a également partagé de nouvelles données sur NfL s’agissant de l'essai GENERATION HD1. Vers la fin de l'essai, il semble en fait que les niveaux de NfL diminuent avec le Tominersen, ce qui est une preuve supplémentaire que des doses plus faibles testées dans l’étude GENERATION HD2 pourraient être prometteuses. 

Traduction Libre (Dominique C . - Michelle D.)

Source :   - Article de Joël Stanton - Dr. Rachel Harding - Dr. Léora Fox et Dr. Tamara Maiuri du 28 avril 2023