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Dernière mise à jour sur l'étude portant sur le médicament AMT-130 Lors d’une mise à jour de la compagnie UniQure, celle-ci a rapporté que, lors d'une étude clé, leur thérapie génique expérimentale, AMT-130, pourrait potentiellement ralentir la progression de la maladie de Huntington. |
La compagnie UniQure a annoncé les premiers résultats positifs s’agissant de son essai clinique de phase I/II portant sur le médicament AMT-130, une thérapie génique à usage unique testée chez des personnes atteintes de la maladie de Huntington. Aux termes de cette mise à jour, la compagnie UniQure a annoncé que la progression des symptômes étaient ralentis de façon significative par le médicament, et que le critère d’évaluation principal de l’essai a été atteint. C’est la première fois qu’un médicament s’avère efficace pour modifier l’évolution de la maladie de Huntington chez des individus dans le cadre d’un essai clinique. HDBuzz a rencontré Walid Abi-Saab, directeur médical de la compagnie UniQure et Matt Kapusta, PDG, afin d’éclairer la communauté MH sur cette mise à jour.
Qu’est-ce que le médicament AMT-130 et comment agit-il ?
Développé par la compagnie UniQure, le médicament AMT-130 est la première thérapie génique pour la maladie de Huntington. Comme beaucoup d’autres thérapies actuellement testées en clinique, ce médicament vise à réduire les taux de la protéine huntingtine dans le cerveau. Ce qui le rend un peu différent, cependant, c’est que ce médicament est une thérapie génique unique ; la personne ne reçoit qu’une seule dose du médicament au cours de sa vie.
Le médicament AMT-130 est contenu dans un virus inoffensif spécialement conçu, appelé AAV5, lequel contient les instructions de la fabrication d'une molécule génétique spéciale qui se lie aux instructions que les cellules utilisent normalement pour produire la protéine huntingtine. En se liant à ces instructions, l'AMT-130 les marque pour leur destruction. Avec moins d'instructions, les cellules produisent globalement moins de protéine huntingtine, y compris la version nocive liée à la MH. Le traitement réduit les taux de protéine huntingtine, qu'elle soit étendue ou non.
La compagnie UniQure a réalisé un grand nombre d’études avant de tester le médicament AMT-130 chez l’homme, lesquelles ont eu lieu pendant plusieurs années en utilisant de nombreux types différents de modèles animaux. Même lorsque la compagnie UniQure a commencé à tester le médicament chez l’homme en 2019, ils l’ont fait très lentement en commençant juste avec quelques personnes. Ce n’est que lorsque les choses semblaient aller bien après ces premières chirurgies qu’ils ont commencé à administrer le médicament chez davantage de personnes.
Vers une thérapie génique pour la maladie de Huntington
Les effets des thérapies géniques, comme celle du médicament AMT-130, sont irréversibles et leur administration par une chirurgie cérébrale comporte de nombreux risques. Pour cette raison et suite à de nombreuses études sur différents modèles animaux, la compagnie UniQure a commencé à tester le médicament AMT-130 chez l’homme dans le cadre d’essais cliniques prudents sur de petites cohortes et avec une surveillance rigoureuse de son innocuité. Au début, certains évènements indésirables graves chez des participants recevant la dose élevée ont conduit à une pause temporaire, à des examens de sécurité et à des réajustements.
Mais à la mi-2024, le tableau est devenu plus encourageant. En juillet 2024, la compagnie UniQure a publié une mise à jour, partageant des données de participants à l’essai, 24 mois après l’opération. Cette mise à jour intermédiaire a révélé un ralentissement de la progression de la maladie, une évolution favorable des taux des biomarqueurs qui suivent la santé des cellules (les neurofilaments à chaîne légère), et l’absence de problèmes majeurs de sécurité. Conjuguée à d’autres mises à jour positives de l’essai réalisées à la même période, cette mise à jour a fourni la première indication selon laquelle la diminution de la huntingtine, comme approche thérapeutique de la MH, pourrait ralentir la progression de la maladie.
Plus tôt cette année, la compagnie UniQure a publié une mise à jour encourageante s’agissant de sa discussion avec la FDA sur le développement du médicament AMT-130. Elle a annoncé poursuivre ses efforts de collaboration avec l’agence et a décrit les prochaines étapes, comprenant les préparatifs de fabrication, la planification statistique des données cliniques et la définition d’un groupe témoin de comparaison approprié (voir article du 15 juillet 2024).
Le médicament AMT-130 peut ralentir les signes et symptômes de la MH chez l’individu
Le principal résultat de ces données est que le médicament AMT-130 semble ralentir le cours de la maladie de Huntington. Mais comment le savoir ? L’étude s’est concentrée sur plusieurs mesures largement utilisées dans le cadre de la recherche et des soins liés à la MH. Tous les résultats ont été comparés aux données de l’étude Enroll-HD, un échantillon témoin d’histoire naturelle, permettant aux scientifiques de déterminer si l’état des participants traités déclinait plus lentement que prévu s’ils ne prenaient pas le médicament. Voici ce qu’a rapporté la compagnie UniQure :
* Echelle UHDRS permettant d’évaluer l’atteinte neurologique des patients
Il s’agit d’un « score combiné » qui donne plusieurs mesures de progression de la MH : mobilité, capacité intellectuelle, fonctionnement quotidien et autonomie. Il est considéré comme un moyen précis pour suivre l’évolution de la MH au fil du temps. Au cours de cette étude, la maladie a décliné plus lentement chez les personnes recevant la forte dose d’AMT-130 que chez le groupe témoin, avec un ralentissement global de 75% de la progression de la maladie, mesuré par le score UHDRS, ce qui signifie que le déclin normalement attendu en un an se produirait quatre ans après le traitement par le médicament AMT-130. Le passage par le score UHDRS était le principal critère d’évaluation de l’essai, lequel a été atteint. C’est une excellente nouvelle pour la prochaine évaluation réglementaire.
* La capacité fonctionnelle totale (TFC)
La capacité fonctionnelle totale fait partie du score UHDRS et évalue la capacité d’une personne à gérer ses activités quotidiennes, telles que la gestion des finances, le travail ou l’autonomie. Cette évaluation est particulièrement pertinente pour les familles car elle reflète les réelles capacités.
Le traitement AMT-130 ralentit de manière significative le déclin de la capacité fonctionnelle totale d’environ 60%, ce qui constituait un critère d’évaluation secondaire principal, renforçant le résultat du critère cUHDRS.
* Tests cognitifs (vitesse de réflexion et de traitement)
Un des tests cognitifs utilisé s’appelle le test Symbol Digit Modality (SDMT), consistant pour le patient à substituer des chiffres et des symboles en 90 secondes. Ce test évalue la vitesse de traitement mental qui décline souvent au début de la maladie de Huntington. Le traitement par AMT-130 a suggéré un ralentissement de 88% de ce déclin par rapport au groupe de contrôle (bien que le résultat soit légèrement inférieur à la « signification statistique »).
Un autre test, le test Stroop Word Reading, mesure la capacité d’attention et de langage. Les participants à l’essai ayant reçu la forte dose du médicament AMT-130 ont présenté un ralentissement de 113% selon cette mesure dans l’analyse de la compagnie UniQure.
* La fonction motrice (score moteur total – TMS)
Ce test permet de suivre les symptômes moteurs, tels que la chorée (mouvements involontaires), la coordination et les mouvements oculaires. L’état des participants ayant reçu la forte dose semblait s’aggraver plus lentement que ceux du groupe témoin, avec un ralentissement de 59%, bien que ce résultat ne soit pas statistiquement significatif. Ce changement pourrait indiquer que le médicament AMT-130 pourrait être efficace pour tous les types de symptômes.
* Les neurofilaments à chaîne légère (NfL)
Il s’agit d’une protéine qui est libérée lorsque les cellules cérébrales sont stressées ou endommagées. Dans le cadre de la maladie de Huntington, un taux élevé de NfL signifie généralement une progression plus rapide de la maladie. A 36 mois de traitement, les participants traités avec la forte dose de médicament AMT-130 présentaient un taux inférieur à celui du début du traitement (baisse d’environ 8%). Ce résultat est encourageant car il suggère une diminution des lésions cérébrales persistantes et concorde avec les bénéfices cliniques observés sur d’autres mesures.
* Sur la sécurité
Globalement, le médicament AMT-130 semble être bien toléré et sûr. Aucun nouvel événement indésirable grave lié au médicament n’a été observé depuis fin 2022, date à laquelle le recrutement de l’essai avait été temporairement interrompu. Les effets secondaires les plus fréquents étaient liés à l’intervention chirurgicale elle-même et tous ces problèmes ont depuis disparu chez les personnes concernées.
Pris ensemble, ces résultats suggèrent que le médicament AMT-130 est bénéfique pour la fonction, la mobilité, les capacités intellectuelles et les biomarqueurs dans le groupe à forte dose. Le groupe à faible dose a présenté des résultats plus mitigés, ce que la compagnie UniQure interprète comme une preuve de l’importance de la dose.
Les prochaines étapes pour le médicament AMT-130
La compagnie UniQure prévoit une rencontre avec la FDA, plus tard cette année, pour discuter de ces données et espère déposer une demande de licence de produit biologique au début de l’année 2026 (voir article du 19 juin 2025). Si ces interactions et demandes s’avèrent fructueuses et que tout se déroule sans heurts, le médicament AMT-130 pourrait être lancé aux Etats-Unis plus tard en 2026. La compagnie UniQure a également confirmé aux rédacteurs d’HDBuzz qu’ils souhaitaient s’engager avec d’autres agences de réglementation, notamment l’EMA (agence européenne des médicaments), qui supervisent les approbations de médicaments en Europe.
En parallèle, davantage de participants sont traités dans les cohortes de l’étude en cours, ce qui permettra d’obtenir davantage de données utiles aux scientifiques pour mieux comprendre les effets du médicament AMT-130 sur un échantillon plus large de personnes. La compagnie UniQure recrute notamment des personnes atteintes de la maladie de Huntington qui n’avaient pas été éligibles aux précédentes versions de l’essai car la zone cérébrale où devait être administré le médicament était trop petite. Cela permettra à la compagnie UniQure de déterminer si des personnes à des stades différents de la maladie tireron,t des bénéfices du médicament.
Malgré ce succès, une certaine prudence reste de mise
C’est la toute première fois qu’un médicament contre la MH présente un ralentissement statistiquement significatif de l’évolution de la MH selon des mesures cliniques acceptées et conformes aux recommandations de la FDA. Ces résultats sont donc très encourageants.
Malgré toutes ces bonnes nouvelles, il est important de rester prudent. Tout d’abord, le nombre de personnes traitées dans cet essai est très petit. Toutes les statistiques présentées dans cette mise à jour concernent des données de moins de 30 participants, dont seule une partie a reçu la forte dose de médicament qui semble apporter un bénéfice. De plus, de nombreuses comparaisons effectuées pour démontrer l’efficacité de ce médicament ont été réalisées avec un groupe témoin externe, et non avec des participants du même essai. Bien que soigneusement adapté, ce genre de comparaison n’est pas aussi fiable qu’une étude classique contrôlée par placebo.
Il manque également des éléments du puzzle. Ce médicament a été conçu pour diminuer les taux de la protéine huntingtine mais rien n’indique dans cette mise à jour que le médicament agit pour faire cela – une caractéristique d’un médicament appelé « engagement cible ». En réalité, c’est peut-être du fait que les outils actuels de mesure des taux de la huntingtine sont trop voyants, ce qui peut rendre les résultats confus. De plus, les scientifiques n’ont rien appris quant à l’impact potentiel du médicament sur les différentes régions de la structure cérébrale à travers des analyses d’imagerie, comme l’IRM.
Même si tout semble positif, rendre le médicament accessible à un grand nombre de personnes atteintes de la maladie de Huntington sera un défi. L’administration d’une thérapie génique ponctuelle est très différente de la prescription de comprimés ou d’injections. Cela exige une planification, une organisation et un déploiement à grande échelle importants. La compagnie UniQure a annoncé travailler déjà à l’augmentation de sa capacité de production, et prévoit de s’associer à des équipes de neurochirurgie spécialisées pour réaliser la chirurgie cérébrale afin d’administrer le traitement. Et se pose également la question du coût : comme pour les autres thérapies géniques déjà commercialisées, le prix risque d’être extrêmement élevé. Ces obstacles pratiques n’atténuent pas l’enthousiasme au sujet du médicament AMT-130 mais ils nous rappellent que la transformation des résultats prometteurs des essais en traitements concrets est un parcours long et complexe.
Malgré ces réserves, les résultats suggèrent un potentiel effet modificateur de la maladie, un effet que la communauté MH espère depuis longtemps. Le Professeur Sarah T abrizi, directrice du centre de la maladie de Huntington à l’University College London, impliquée dans cet essai, a indiqué que « Ces données indiquent que le médicament AMT-130 a le potentiel de ralentir significativement la progression de la maladie, offrant ainsi un espoir tant attendu par les personnes et familles impactées par cette maladie dévastatrice ».
Qu’en est-il des autres thérapies visant à réduire la protéine huntingtine ?
Cette mise à jour est également une excellente nouvelle pour les autres compagnies développant des médicaments visant à diminuer la huntingtine. Si l’AMT-130Q peut ralentir la progression de la maladie en réduisant les taux de la protéine huntingtine, cela renforce l’idée que la diminution de cette protéine est une stratégie valable pour traiter la maladie et que d’autres approches pourraient également réussir.
Cela dit, presque tous les médicaments en développement agissent de manière légèrement différente. Le médicament AMT-130 est administré directement dans le striatum, la région cérébrale la plus affectée dans le cadre de la maladie de Huntington, alors que d’autres traitements atteignent le cerveau par le liquide céphalorachidien et même par la circulation sanguine sous forme de comprimés administrés par voie orale.
Les traitements varient également quant à l'ampleur de la diminution d’huntingtine obtenue et à l'étendue de leur action dans le cerveau et l'organisme. À ce stade, les scientifiques ne savent pas encore quel niveau de réduction est optimal, quelles régions cérébrales doivent être ciblées pour un effet optimal, ni qui, à quel stade de la MH, bénéficiera le plus de chaque approche.
Ce sont des questions auxquelles la recherche devra répondre, mais pour l'instant, les résultats de l'AMT-130 apportent un regain d'optimisme bienvenu pour l'ensemble du pipeline de réduction de l'huntingtine, montrant que cette approche a le potentiel de ralentir la progression de la maladie et d'en modifier l'évolution.
Traduction Libre (Dominique C . - Michelle D.)
Source : - Article du Dr Rachel Harding du 24 septembre 2025