Modélisation de la barrière hémato-encéphalique

De nouveaux travaux permettent de mieux modéliser la barrière hémato-encéphalique et pourraient améliorer la manière dont les médicaments, destinés à traiter les maladies cérébrales, sont administrés
Mis en ligne le 9 septembre 2024   


Deux groupes de chercheurs distincts ont récemment publié des travaux portant sur la barrière hémato-encéphalique (BHE). On peut s’imaginer la BHE comme étant un bouclier qui empêche les indésirables de pénétrer dans le cerveau. Un groupe a fait progresser la modélisation de la BHE en laboratoire en utilisant des cellules souches. L’autre groupe a développé un virus inoffensif qui peut être administré par voie intraveineuse et traverser la BHE pour délivrer les médicaments. Bien que la maladie de Huntington n’ait pas été spécifiquement étudiée dans l’une ou l’autre des publications, celles-ci peuvent faire progresser la façon dont les chercheurs étudient la MH en laboratoire et, à terme, la façon dont ils traitent cette maladie.

La barrière hémato-encéphalique

Le cerveau est comme une section VIP – tout ce qui flotte dans le sang et le corps n’y est pas forcément autorisé. Les bactéries et les virus pouvant provoquer des maladies s’agissant de l’estomac ou des poumons sont tenus à l’écart du cerveau. Même certains médicaments y sont exclus, tels que les antibiotiques.

Le bouclier du cerveau est appelé la barrière hémato-encéphalique, ou BHE en abrégé. La BHE est extrêmement sélective s’agissant de ce qui est autorisé à pénétrer dans notre cerveau. Celle-ci est établie très tôt au cours du développement, avant même la naissance. Dans la mesure où le cerveau est si fragile, la BHE s’assure que seules les molécules et substances privilégiées peuvent y pénétrer.

Bien que de nombreuses personnes visualisent une membrane qui recouvre l’extérieur du cerveau, la BHE est en réalité créée par des vaisseaux sanguins qui traversent le cerveau. Comparez la aux cordons en velours rouge qui délimitent l’entrée d’un club privé (ou boîte de nuit) plutôt qu’à un dôme de verre qui trône au-dessus de la ville. La BHE est un réseau serré de cellules qui tapissent les vaisseaux sanguins du cerveau, choisissant soigneusement les substances autorisées à entrer et celles qui sont pompées à chaque battement de cœur jusqu’à ce qu’elles passent entre les cordons en velours du cerveau.

  Avantages et inconvénient de la barrière hémato-encéphalique

Etre si sélectif quant aux substances autorisées contribue à garder notre cerveau en bonne santé. Mais, cela pose également un problème pour le développement de médicaments destinés à traiter les maladies cérébrales. La BHE agit en notre faveur lorsqu’elle permet d’empêcher l’entrée d’invités indésirables mais nous voulons parfois que des choses soient autorisées à entrer et non bloquées à la porte !

De nombreuses personnes travaillent à la création de modèles artificiels de BHE en laboratoire. La modélisation permet aux scientifiques de déterminer comment certaines maladies affectent la BHE, par exemple si les propriétés de la BHE se dégradent au cours d’une maladie. Les modèles en culture permettent également aux chercheurs de tester des médicaments avant qu’ils ne soient administrés chez l’homme et avant même d’être testés chez les souris. Savoir si un médicament sera stoppé au niveau des cordons de velours du cerveau peut contribuer grandement à accélérer le développement de médicaments.

D’autres chercheurs travaillent sur des moyens de détourner la BHE pour le développement de médicaments. Ils conçoivent des moyens d’introduire dans le cerveau des médicaments qui seraient normalement tenus à l’écart. Ce type de recherche est très important pour améliorer la manière dont les médicaments sont administrés dans le cadre des maladies cérébrales. Espérons que cela pourrait un jour éviter le recours à des stratégies d’administration invasives, comme la chirurgie cérébrale.

Les vaisseaux sanguins dans une boîte de Petri

Une récente étude du laboratoire de Ziyuan Guo de l’hôpital pour enfants de Cincinnati a amélioré la manière dont les chercheurs peuvent modéliser la BHE en utilisant des cellules souches. Les cellules souches ont révolutionné la manière dont les scientifiques peuvent étudier les maladies cérébrales. En effet, les cellules souches peuvent être reprogrammées à partir d’échantillons de peau et transformées en cellules cérébrales dans une boîte de Petri, permettant aux chercheurs d’étudier les cellules cérébrales d’une personne sans réaliser une biopsie cérébrale. 

Bien que les cellules en laboratoire soient généralement cultivées à plat sur une boîte de Petri, cela ne représente pas avec précision la nature 3D de la vie. Plus récemment, des chercheurs ont cultivé des cellules nerveuses en sphères 3D, appelées parfois organoïdes ou mini-cerveaux. Bien que ces structures 3D cultivées en laboratoire ne puissent pas réellement fonctionner comme un cerveau, n’ayant pas la capacité de transmettre des pensées et des sentiments, elles donnent aux chercheurs une meilleure idée de ce qui passe lorsque les cellules sont cultivées dans un environnement qui correspond plus étroitement au corps.

Jusqu’à présent, ces sphères 3D n’incluaient pas la BHE. Le laboratoire de Guo a enrichi des modèles cérébraux 3D en y incluant un réseau de vaisseaux sanguins. Ces vaisseaux sanguins ont adopté les traits de la BHE. Bien que les auteurs de cette étude n’aient pas testé leur nouveau modèle en utilisant des cellules atteintes de la maladie de Huntington, cela ouvre la porte à d’autres chercheurs qui effectuent exactement cela. Cela pourrait leur permettre d’apprendre comment la maladie de Huntington affecte la BHE et de tester la capacité de certains médicaments à franchir la BHE dans le cadre de la MH.

Contourner la barrière hémato-encéphalique

Alors que les chercheurs veulent, la plupart du temps, que la BHE rejette les indésirables, parfois ils veulent laisser pénétrer ceux que la BHE empêche d’entrer, tels que des traitements potentiels pour la maladie de Huntington. Contourner la BHE est toujours le premier défi que les concepteurs de médicaments doivent prendre en considération lorsqu’ils mettent au point des médicaments pour le cerveau et dans le cadre de la MH.

De nouvelles recherches menées par le laboratoire de Ben Deverman du Broad Institute of MIT et Havard détaillent leurs travaux sur un virus spécial qui peut faire passer son contenu au-delà de la BHE pour atteindre le cerveau. Ben a été un pionner dans ce domaine en mettant au point et en améliorant différentes itérations de virus inoffensifs qui peuvent agir comme des navettes pour délivrer des médicaments au cerveau.

Ce nouveau virus fonctionne en se fixant sur une étiquette apposée sur les cellules formant la barrière du cerveau. Une fois fixé, le virus inoffensif peut délivrer son contenu au-delà de la BHE. L’équipe a montré que leur virus reconnaît spécifiquement les cellules cérébrales de la BHE humaine. Ainsi, même s’il existe des cellules similaires ailleurs dans le corps, le virus est spécifiquement acheminé vers le cerveau même lorsqu’il est injecté par voie intraveineuse. Cela signifie également que leur virus devrait agir chez l’homme et pas seulement chez la souris de laboratoire.

Objectifs de la modélisation de la barrière hémato-encéphalique

L’amélioration des modèles d’étude pour la BHE permet aux scientifiques MH de mieux comprendre comment la maladie affecte la BHE, et par conséquent, quels intrus sont admis ou exclus par erreur. Il s’agit d’un outil puissant pour déterminer les doses médicamenteuses. En testant d’abord les médicaments dans de mini-cerveaux dans une boîte de Pétri, les chercheurs peuvent apprendre si le médicament peut passer au-delà de la BHE. Ils peuvent également apprendre la quantité de médicament nécessaire lorsque la BHE est moins sélective, tel que cela semble être le cas dans le cadre de la maladie de Huntington.

Le développement et l’amélioration de virus capables de transporter des médicaments au-delà de la BHE peuvent conduire à un progrès majeur dans la manière dont les médicaments sont administrés. Dans le cadre de la maladie de Huntington, la société UniQure teste actuellement un virus qui doit être directement injecté dans le cerveau selon une chirurgie afin de délivrer son contenu. Avec les nouvelles itérations des virus, l’espoir est qu’un jour  de telles thérapies puissent être administrées par voie intraveineuse.

Ces études font progresser ensemble l’étude de la barrière hémato-encéphalique en laboratoire et le développement d’outils thérapeutiques pour les maladies cérébrales. Bien qu’aucun des deux articles ne se soit penché spécifiquement sur la maladie de Huntington, ces types d’approches peuvent facilement être utilisés pour la recherche sur la MH – et elles le seront !

Traduction Libre (Dominique C . - Michelle D.)

Source :   - Article du Dr Sarah HERNANDEZ du 10 juin 2024