Une nouvelle façon de réfléchir aux essais cliniques pour prévenir la maladie de Huntington
Pouvons-nous tester des médicaments pour retarder ou prévenir l'apparition de la maladie de Huntington ?
Une nouvelle étude suggère que cela est possible.
Mise en ligne le 21 novembre 2017


Une nouvelle analyse des données cliniques issues des études TRACK-HD et COHORT propose un moyen de concevoir des essais cliniques conçus pour retarder l’apparition de la MH plutôt que de traiter les symptômes après leur apparition.

Quelle est l'histoire des essais cliniques dans le cadre de la maladie de Huntington ?

Les essais cliniques sont des expériences menées pour voir si un nouveau traitement peut influencer l’évolution, ou la gravité, de la maladie de Huntington. La communauté MH a mené à bien de nombreux essais au cours des vingt dernières années (près d’une centaine !) – quelques-uns ont identifié des médicaments pour améliorer les symptômes (tétrabénazine et deutétrabénazine), mais aucun (encore !) qui prévient ou ralentit l’apparition de la MH.

A ce jour, presque tous les essais médicamenteux visant à ralentir le processus de la maladie ont été menés chez des personnes présentant déjà des symptômes MH, et seuls quelques essais ont tenté de ralentir ou de prévenir l’apparition de la MH chez des personnes porteuses de la mutation ne présentant pas encore de symptômes.

Qu'est-ce qu'un critère d'évaluation ?

Pour comprendre pourquoi il est difficile de mener des essais de prévention – et c’est ce que ce nouvel article nous enseigne – nous devons penser à quelque chose appelée critère d’évaluation.
Dans un essai clinique, un critère d’évaluation est le résultat que nous essayons d’étudier.
Pour de nombreuses études HD axées sur les symptômes moteurs, le critère d’évaluation est un score qui décrit la gravité des symptômes moteurs chez un sujet. D’autres critères d’évaluation peuvent se concentrer sur des choses différentes, telles que la dépression concernant un médicament conçu pour soulager les symptômes de l’humeur, ou le fonctionnement global d’un médicament visant à ralentir la progression.

Pour qu’un essai réussisse, les chercheurs doivent définir à l’avance un critère d’évaluation pour leur étude. Ensuite, ils mènent l’étude, mesurent leur critère d’évaluation prédéterminé, et constatent si leur traitement a modifié leur critère d’évaluation

Le récent essai First-HD portant sur la deutétrabénazine est un bon exemple. Les chercheurs ont déterminé à l’avance qu’ils mesureraient les symptômes moteurs chez des groupes de patients MH traités avec la deutétrabénazine, et ont exactement défini la quantité d’améliorations qui devrait être observée afin que l’essai réussisse. En fin de compte, le médicament a effectivement amélioré les symptômes, l’essai ‘a atteint son critère d’évaluation’, et la FDA a autorisé le médicament pour la MH.

Maintenant, imaginez que vous voulez prévenir ou ralentir l’apparition de la MH plutôt que de traiter un symptôme. Vous prenez votre groupe de personnes porteuses de la mutation MH mais ne présentant pas encore de symptômes. Vous leur donnez votre médicament expérimental, et ensuite …. quoi ? Par définition, les volontaires ne présentent pas encore de symptômes MH, et par conséquent aucun symptôme à observer. Comment pouvons-nous savoir si le médicament agit ?

S'inspirer des études sur le cancer

Ce problème n’est pas unique à la maladie de Huntington – de nombreux domaines de maladies ont des difficultés semblables dans la conception d’essais préventifs. Dans le cas du cancer, par exemple, l’objectif d’un nouveau traitement pourrait être de ralentir la survenue d’un évènement, tel que l’intervention chirurgicale ou même la mort, plutôt que de traiter un symptôme spécifique. Les chercheurs en cancérologie, en particulier, ont récemment utilisé ce type d’essai clinique qui porte le nom technique de survie sans progression.

La mathématique à l’origine de la survie sans progression est un peu compliquée mais l’idée est très simple. L’objectif d’une telle étude est d’établir le temps moyen nécessaire pour qu’un évènement prédéfini se produise. Dans le cadre de la MH, cet évènement pourrait être le diagnostic formel des symptômes par un médecin. Il pourrait être également le temps jusqu’à un autre évènement, tel que le développement d’une certaine quantité de symptômes moteurs.

En appliquant cette idée dans le cadre de la MH, les chercheurs souhaitant mener un essai pour retarder l’apparition de la MH prendraient deux groupes de volontaires sans symptômes, donneraient un médicament expérimental à un groupe et un placebo à l’autre groupe, et verraient dans chacun des groupes combien de temps cela prendrait pour qu’un évènement survienne.Ce type de conception semble génial en théorie, mais fonctionnerait-il en réalité dans le cadre de la MH ?

Nouvelle analyse

Heureusement, nous avons, dans le cadre de la MH, d’excellentes sources de données dans lesquelles les chercheurs peuvent puiser. Deux études à long terme portant sur des personnes porteuses de la mutation MH, TRACK-HD et COHORT, ont été conçues pour suivre les changements chez des personnes porteuses de la mutation, en ce compris celles qui ne présentaient pas encore de symptômes.
Bien qu’il y ait quelques différences entre les études, l’idée de base était assez semblable entre les études pour établir des comparaisons utiles.

Une équipe de chercheurs, dirigée par Jeff Long (Université de l’Iowa) et Sarah Tabrizi (Université Collège Londres), a décidé d’utiliser ces ensembles de données existants pour comprendre si un type d’essai de survie sans progression pourrait fonctionner dans le cadre de la MH.

Bien évidemment, les chercheurs n’ont pas pour cette analyse un médicament magique qui retardera l’apparition de la MH. Mais, ils peuvent utiliser les données issues des études TRACK-HD et COHORT dans une sorte d’analyse fictive de ce qui se passerait si un tel médicament existait, et s’il aurait divers effets – du petit au grand.

Utilisant leur expérience des essais MH, les chercheurs ont supposé qu’un essai utilisant ces nouveaux paramètres de survie sans progression durerait trois ans, et qu’environ un participant sur dix abandonnerait. Compte tenu de ces hypothèses, les chercheurs ont été en mesure de montrer qu’un médicament raisonnablement efficace pour prévenir l’apparition de la MH pourrait être testé chez moins de 400 personnes. Cela semble vraiment réalisable, ce qui est une excellente nouvelle.

Le message à retenir

Cette nouvelle analyse nous apprend des choses importantes. Premièrement, il est important que les familles MH participent à toutes les recherches possibles. Les participants des études TRACK-HD et COHORT ne savaient pas que cette nouvelle analyse ingénieuse serait utilisée sur les données qu’ils ont offertes aux chercheurs. Le processus de recherche est cumulatif, et tout ce que nous apprenons sur la maladie de Huntington à partir des patients nous permet de nous engager plus avant, d’appliquer de nouveaux outils et de construire de nouvelles perspectives.

Deuxièmement, cette recherche fournit d’excellentes preuves de ce que la communauté MH pourrait réussir un essai de survie sans progression. La communauté a répondu à un certain nombre d’essais de plus de 400 personnes, ce qui démontre aux commanditaires d’essais potentiels que c’est quelque chose que nous pouvons atteindre.

Pendant ce temps, la recherche d’un médicament à tester avec ce genre d’essai continue. Cette année et l’année prochaine sont passionnantes pour des médicaments, particulièrement les médicaments de diminution de la huntingtine. Espérons que d'ici peu, un essai visant à prévenir l'apparition de la maladie de Huntington incorporera ces nouvelles méthodes de conception d'essais cliniques.

Traduction libre (Dominique C. - Michelle D.)

Source  - Article de Jeff Carroll du 27 octobre 2017