Connaître la véritable prévalence de la maladie de Huntington
Un article qui révèle qu'au Royaume-Uni la prévalence de la maladie de Huntington a été grandement sous-estimée.
Mise en ligne le 11 janvier 2011

Un article rédigé par Michael Rawlins, président de l'Institut National de la Santé et de l'Excellence Clinique au Royaume-Uni (National Institute for Health and Clinical Excellence) et publié en ligne dans la revue médicale "The Lancet" le 30 juin 2010, révèle qu'au Royaume-Uni la prévalence de la maladie de Huntington a été grandement sous-estimée.

(N.B. : La prévalence : rapport entre le nombre de sujets atteints d'une maladie donnée à un instant donné et le nombre total de sujets présents dans la population étudiée au même instant. C'est donc la proportion de sujets malades à un instant donné dans la population.  La prévalence d'une maladie s'exprime par 100 000 habitants).

Une prévalence beaucoup plus élevée qu'on ne le pensait

Michael Rawlins indique, dans son article, qu'aux termes d'une estimation réalisée dans quinze localités du Royaume-Uni, le taux de prévalence variait entre 6 et 7 cas par 100 000 habitants.
Cette estimation a sans doute constitué la base d'une affirmation dans une réponse à une question parlementaire selon laquelle il y avait 4 800 cas de la maladie de Huntington au Royaume-Uni en 2003.

Or, la Huntington's Disease Association (HDA – association qui œuvre pour les personnes atteintes de la maladie et leurs familles en Angleterre et aux Pays de Galles) s'occupe actuellement de 6 702 personnes présentant les symptômes, chiffre non exhaustif dans la mesure où il y a un nombre inconnu de patients atteints de la maladie qui ne se sont pas manifestés auprès de l'association.

A partir de ces seuls chiffres, la prévalence minimale en Angleterre et aux Pays de Galles doit donc être d'au moins 12,4 cas par 100 000 habitants au lieu des 6 ou 7 cas par 100 000, chiffre connu jusqu'à ce jour.
Michael Rawlins précise que cette prévalence de 12,4 est probablement inférieure à la réalité.

Pourquoi la prévalence est-elle difficile à estimer ?

Selon Michael Rawlins, il y a deux raisons :

* Jusqu'au début des années 1990, le diagnostic était entièrement basé sur les caractéristiques cliniques et bien que l'évolution de la maladie est assez caractéristique, il arrivait parfois que les troubles psychiatriques précédaient les troubles moteurs, d'où un diagnostic parfois erroné.
Depuis 1993, un test génétique permet de réduire les erreurs de diagnostic.
Par ailleurs, de nombreuses personnes "à risque", ayant des antécédents familiaux, ne préfèrent pas connaître leur statut.

* La deuxième raison, et probablement la plus importante, est que les familles dont un membre est atteint de la maladie essaient souvent, en raison de la stigmatisation associée à cette maladie, de la cacher, même à leurs propres médecins.
En outre, ceux qui ont été diagnostiqués peuvent cacher leur diagnostic aussi longtemps qu'ils le peuvent, craignant, notamment, une discrimination dans le milieu professionnel mais également au niveau des assurances, des emprunts.

Il convient également de préciser qu'au Royaume-Uni, les médecins ne sont pas légalement tenus de préciser sur un certificat de décès la cause de la mort, et en conséquence, les décès dus à la maladie de Huntington ne sont pas enregistrés.

Pourquoi est-il important d'estimer la prévalence ?

Michael Rawlins précise que des estimations fiables de la prévalence de la maladie de Huntington portant à la fois sur des personnes symptomatiques et les personnes pré-symptomatique (personnes porteuses, n'étant pas actuellement incluses dans les estimations) sont importantes pour deux raisons :

* elles permettraient une meilleure organisation des soins tant en ce qui concerne les patients que leur famille ;

* des estimations réunissant les personnes symptomatiques et pré-symptomatiques pourraient encourager la recherche scientifique pour le développement de nouveaux médicaments et pour trouver un traitement stoppant la progression de la maladie, et notamment un traitement prophylactique (traitement prévenant l'apparition et le développement d'une maladie) dans la mesure où lorsque les symptômes apparaissent, il y a déjà des changements substantiels et neuropsychiatriques ; même si à l'heure actuelle nous ne savons pas encore quand un tel traitement éventuel devrait débuter pour être efficace.

Outre le fait que la stigmatisation associée à la maladie de Huntington (préjugés touchant les personnes ayant développé la maladie mais également les personnes « porteuses », « à risque ») a de profondes implications pour les familles, elle nuit à la recherche et en particulier, aux études d'épidémiologie et surtout, de prévalence.

Mise en place d'un groupe parlementaire sur la maladie de Huntington au Royaume-Uni

Afin d'éradiquer la stigmatisation et ainsi favoriser une meilleure compréhension et une prise de conscience de la maladie de Huntington, afin de promouvoir la recherche et une meilleure organisation des soins, un groupe parlementaire sur cette maladie sera mis en place.

Cette initiative a été annoncée le 30 juin 2010 et publiée en ligne dans la revue médicale, "The Lancet", au côté d'autres articles portant sur la maladie ("Sortir la maladie de Huntington du placard" de Michael Rawlins, "Découvrir la véritable prévalence de la maladie de Huntington" de Laura Spinney et "La stigmatisation, l'histoire et la maladie de Huntington" de Nancy Wexler)

La première tâche de ce groupe sera d'enquêter sur la prévalence réelle de la maladie de Huntington au Royaume-Uni compte-tenu de la divergence existant entre l'estimation de prévalence que le gouvernement britannique possède et celle suggérée par la Huntington's Disease Association.
Pour ce faire, il analysera les bases de données de santé pour les patients et "traquera" le nombre de personnes traitées par les hôpitaux et les organismes de bienfaisance.

Michael Rawlins, avec Sarah Tabrizi de l'University College London's Institute of Neurology à Londre, dirigeant un programme de recherche sur la maladie de Huntington, et Stephen Evans, épidémiologiste à la London School of Hygiene and Tropical Medicine, conçoivent une étude permettant d'obtenir une prévalence réelle.

Puis, le groupe parlementaire devra examiner les implications des nouvelles conclusions de prévalence pour la fourniture de soins et de fonds pour la recherche.

A l'occasion de cette annonce, la Huntington's Disease Association avait lancé un appel à la communauté Huntington du Royaume-Uni afin qu'elle se rassemble devant la Maison du Parlement sous la bannière "La maladie de Huntington n'est plus à cacher".

Nancy Wexler, généticienne et neuropsychologue à l'Université Columbia à New York (Etats-Unis) qui a dirigé l'équipe ayant localisé le gène responsable de la maladie de Huntington, est ravie que la prévalence de la maladie de Huntington soit finalement étudiée correctement.

Selon elle, si la prévalence a été sous-estimée au Royaume-Uni, elle l'a probablement été pour le reste de l'Europe et les Amériques, où la prévalence est supposée être, en grande partie, la même que dans le Royaume-Uni.
Les nouvelles révélations sur la prévalence de la maladie de Huntington au Royaume-Uni pourraient, a-t-elle dit lors d'une conférence, avoir d'importantes ramifications dans le monde.

La société NeuroSearch (société développant Huntexil – ACR16) a été invitée à assister à la cérémonie de lancement de ce groupe parlementaire qui s'est tenue le 30 juin 2010 au sein du Parlement britannique et sera également présente sur la liste des orateurs mis à la disposition de la presse pour expliquer l'importance de celui-ci sur les perspectives de la maladie de Huntington.

Traduction libre (Michelle D.)

Source : Article de Michael Rawlins du 30 juin 2010 – "Sortir la maladie de Huntington du placard"

La prévalence en France

Si l'on se réfère à la prévalence estimée pour la maladie de Huntington, mentionnée sur le site d'Orphanet ( Site Orphanet), celle-ci est de 1,9 cas par 100 000 habitants.
Les cas de maladie de Huntington représenteraient donc 0,0019% de la population française.

Article mise à jour le 7 mars 2023