Des mini-cerveaux pour mettre en lumière la maladie de Huntington

Des mini-cerveaux cultivés en laboratoire mettent en lumière la maladie de Huntington et la façon dont on pourrait la traiter
Mis en ligne le 1er septembre 2024   


De nouvelles découvertes passionnantes, utilisant des mini-cerveaux humains en 3D cultivés en laboratoire, éclairent les essais en cours visant à réduire la protéine huntingtine et suggèrent que les greffes de cellules souches dans le cadre de la maladie de Huntington pourraient améliorer la communication de cellule à cellule et réduire les caractéristiques de la MH.

Des cellules souches cultivées en 3D dans un laboratoire de recherche peuvent imiter certaines caractéristiques de la maladie de Huntington. Elles sont également prometteuses pour des études portant sur la transplantation visant à potentiellement réintroduire des cellules perdues dans le cadre de la MH. Mais qu’arriverait-il à ces nouvelles cellules ? S’entendraient-elle avec les cellules encore présentes dans le cerveau et porteuses du gène MH ? Et que peut nous apprendre ce système sur les essais en cours visant à réduire le message responsable de la MH dans seulement certaines parties cérébrales. 

La puissance des cellules souches

Les cellules souches ont une certaine dimension mystique. Elles peuvent soit conserver « leur caractère souche », rester des cellules souches, soit se transformer en quelque chose de complètement différent. Chacune d’entre elles possède la capacité de devenir presque n’importe quel type de cellule du corps humain. Les scientifiques peuvent les amener à devenir une cellule cardiaque ou une cellule musculaire ou même une cellule cérébrale, fournissant ainsi aux scientifiques un outil de recherche puissant pouvant être utilisé afin de répondre à des questions concernant les cerveaux des personnes en bonne santé et ceux des personnes malades.

Pour des maladies cérébrales, telle que la maladie de Huntington, il existe une seconde application potentielle puissante pour les cellules souches : la transplantation. En tant que maladie neurodégénérative, la MH provoque une perte graduelle des cellules cérébrales. Cela se produit principalement dans une partie centrale du cerveau, appelée le striatum, et dans la partie externe ridée du cerveau, appelée le cortex.

Plusieurs groupes de chercheurs explorent des approches qui leur permettraient d’exploiter la puissance des cellules souches pour remplacer celles qui sont perdues au cours de la MH. Mais qu’adviendrait-il des nouvelles cellules ? Adopteraient-elles les caractéristiques de la MH ?

Le Dr. Elena Cattaneo et son équipe de l’université de Milan, en Italie, ont récemment publié une étude visant à répondre à certaines de ces questions. Le laboratoire d’Elena est un leader mondial dans l’utilisation des cellules souches dans le cadre de la recherche MH. Dans cette nouvelle étude, ils ont cherché à mieux comprendre l’effet des cellules porteuses du gène MH sur les cellules dépourvues de ce gène. Cela pourrait aider à éclairer les prochaines études portant sur la transplantation cellulaire et les essais visant à réduire le message responsable de la maladie car il est peu probable que ces médicaments atteignent de la même manière chaque cellule cérébrale.

  Des mini-cerveaux dans une boîte de Petri

Généralement, lorsque les cellules sont utilisées dans des expériences en laboratoire, elles sont cultivées à plat sur le dos d’une boîte de Petri. Des technologies sophistiquées permettent aux chercheurs de cultiver des cellules en 3D.

Le terme sophistiqué pour ces cellules en 3D est « organoïdes », autrement dit « mini-cerveaux ». Bien que les mini-cerveaux peuvent adopter certaines caractéristiques cellulaires d’un cerveau, telles que les connexions entre les différentes cellules, ils n’ont pas réellement la capacité de transmettre des pensées et des sentiments.

Bien que ces mini-cerveaux paraissent étonnamment peu sophistiqués de l’extérieur, ils ont un intérieur élégamment complexe. Les cellules forment des réseaux complexes entre les cellules cérébrales qui peuvent être observées, au microscope, en train de communiquer entre elles. Ces mini-cerveaux cérébraux permettent aux chercheurs de comprendre en 3D comment la maladie de Huntington affecte les connexions et la communication entre les différentes cellules.

Les scientifiques savent que dans un cerveau humain, la MH réduit la capacité des cellules situées dans le cortex à communiquer avec celles du striatum. Cette rupture de communication mène à une perte de ces connexions au fil du temps. Lorsque ces communications sont inutilisées pendant de longues périodes, cela peut créer un environnement malsain pour les cellules cérébrales et celles-ci peuvent finir par mourir.

Une influence positive

Elena et son équipe ont observé quelque chose de similaire dans leurs mini-cerveaux ayant le gène MH. Au niveau moléculaire, les cellules cérébrales communiquent au travers d’un très petit espace appelé synapse. C’est ici que les extrémités des cellules cérébrales se rencontrent pour s’envoyer des bulles d’information. Dans le cadre de la maladie de Huntington, le nombre de bulles d’information est réduit au fil du temps. Dans cette nouvelle étude, l’équipe observe la même chose dans les mini-cerveaux MH – il y a moins de communication au niveau des synapses que dans les mini-cerveaux sans le gène MH.

Une expérience clé dans la nouvelle étude du laboratoire d’Elena a cherché à savoir ce qui arrive aux cellules des mini-cerveaux lorsque des cellules sans gène MH sont combinées avec des cellules ayant le gène MH.

L’équipe a réalisé une analyse très détaillée des messages génétiques contenus dans la population mixte de mini-cerveaux, constatant qu’ils ressemblent davantage aux mini-cerveaux sans gène MH plutôt qu’à ceux ayant le gène MH, ce qui suggère que les cellules sans le gène MH ont une influence positive sur celles ayant le gène MH.

Ils ont également examiné les synapses dans cette population mixte de mini-cerveaux. Ils ont constaté que la communication envoyée de la synapse était grandement améliorée ! Les résultats étaient plus proches de ceux des mini-cerveaux sans le gène MH, ce qui suggère que les cellules sans le gène MH pourraient aider les cellules ayant le gène MH afin de mieux communiquer.

L’équipe a également identifié certaines caractéristiques qui ne sont pas totalement récupérées par la présence de cellules sans le gène MH. Dans la population mixte des mini-cerveaux, il y avait encore certains changements au niveau du message génétique. En outre, le nombre de cellules mortes dans la population mixte de mini-cerveaux n’a pas été totalement récupéré. Cela suggère que bien que les cellules sans le gène MH aident dans la population mixte des mini-cerveaux, elles ne peuvent pas surmonter toutes les caractéristiques engendrées par le gène MH.

Informer les essais en cours et à venir

Dans l’ensemble, ce type de recherche peut aider à déterminer le potentiel thérapeutique pour l’usage de cellules souches afin de ralentir la progression et traiter la maladie de Huntington. Il est également instructif pour les essais en cours diminuant les taux du message génétique responsable de la maladie.

Bien que l’objectif pour certains de ces essais est de diminuer le message d’environ 50%, cela ne se produira pas dans toutes les cellules du cerveau. De ce fait, ces cellules avec un message génétique réduit cohabiteront dans une population mixte avec des cellules ayant davantage de message génétique MH. Les données provenant d’études comme celle mise en évidence ici aideront les chercheurs à comprendre exactement ce qui peut se passer au niveau moléculaire lorsque de telles populations mixtes de cellules avec et sans gène MH existent.

Un point important que l’équipe de recherche a pu mettre en évidence dans cette étude est que les cellules sans gène MH ont une influence positive sur celles ayant le gène MH. Mais l’inverse n’est pas vrai. Les cellules ayant le gène MH ne semblent pas altérer les programmes dans les cellules sans gène MH. C’est important pour les études de transplantation à venir car cela suggère que les cellules sans le gène MH qui ont été ajoutées peuvent avoir un effet positif mais les cellules déjà présentes dans le cerveau atteint de la MH n’auront probablement pas d’effet négatif sur les nouvelles cellules. 

Faire avancer les traitements

Bien que les cellules souches et les mini-cerveaux soient très intéressants, il existe certaines limites à leur utilisation. Premièrement, ils ne reproduisent pas vraiment ce qu’il se passe à l’intérieur d’un cerveau humain au cours de la vie d’une personne. Rien dans une boîte de Petri ne le peut. C’est pourquoi il est important d’étudier de potentiels traitements dans un cerveau fonctionnel, tel que celui des souris, et éventuellement mener des essais cliniques chez l’homme.

En outre, les mini-cerveaux, contenant des cellules avec et sans le gène MH, ont été mélangés avant d’être produits, ce qui signifie que la population mixte était présente dès « la naissance ». Dans le cas d’une personne atteinte de la MH, les cellules ou le traitement seraient ajoutés après que la personne ait eu un cerveau complètement formé.

Malgré les réserves, ces travaux représentent une approche intéressante pour mieux comprendre comment les cellules sans gène MH pourraient agir lorsqu’elles sont ajoutées à un cerveau atteint de la MH. Cela met également en lumière ce qui peut se produire dans un cerveau lorsque certaines cellules possèdent le gène MH alors que d’autres en ont moins.

Le cerveau humain, à l’intérieur comme à l’extérieur d’un laboratoire, est incroyablement complexe, et en savoir ainsi le plus possible sur la manière dont la MH affecte les caractéristiques moléculaires et cellulaires aidera à faire progresser les traitements.    

Traduction Libre (Dominique C . - Michelle D.)

Source :   - Article du Dr Sarah HERNANDEZ du 23 août 2024