Stopper la mutation génétique dans le cadre de la maladie de Huntington

En exploitant la puissance de l’outil d’édition génétique CRISPR, les scientifiques ont peut-être trouvé un moyen d’interrompre la mutation MH et de retarder l’apparition de la maladie.
Mis en ligne le 23 juillet 2025   


Bien que la mutation génétique, à l’origine de la maladie de Huntington, entraîne plusieurs problèmes cellulaires, les chercheurs pensent que ceux-ci pourraient provenir d’un problème fondamental : la longueur de la mutation génétique augmente au fil du temps, telle une boule de neige. Ce phénomène génétique, appelé instabilité somatique ou expansion somatique, semble être un facteur clé de l’évolution de la maladie. Aux termes d’une récente étude, les scientifiques ont développé un nouveau variant de la technologie CRISPR, un puissant outil d’édition génétique, afin d’interrompre cette expansion génétique, ouvrant potentiellement la voie à de nouvelles opportunités thérapeutiques.

Interrompre l'instabilité somatique

Des scientifiques de l’Université Havard, dirigés par le Dr David Liu, ont envisagé pouvoir interrompre les séquences répétitives CAG par le simple remplacement d’une de ces séquences CAGs par une séquence similaire CAA mais inoffensive.

En interrompant les séquences répétitives CAGs, même avec une séquence CAA similaire, la voie sous-jacente menant à la croissance des séquences CAGs avec l’âge pourrait être bloquée !

Le Dr Liu et son équipe se sont inspirés de précédentes recherches montrant que les interruptions CAA semblent retarder l’apparition de la maladie. En règle générale, le nombre de répétitions CAG prédit fortement le moment où une personne développera la maladie de Huntington mais des études génétiques ont identifié des personnes présentant de longues répétitions mais dont l’âge d’apparition est retardé.

En examinant de plus près ces cas génétiques, les scientifiques ont découvert qu’ils contenaient de courtes interruptions CAA dans leur segment CAG. Etonnamment, ces simples interruptions étaient liées à un retard de 12 ans dans l’apparition de la maladie. Motivés par ces observations, le Dr Liu et son équipe se sont demandés s’ils pouvaient insérer intentionnellement des séquences CAA dans les cellules ayant le gène MH, et si cela pouvait recréer l’effet protecteur.

La technologie CRISPR fissure la mutation MH

Les modifications génétiques de précision, telles que le remplacement d’une séquence CAG par une séquence CAA, sont, en théorie, simples mais extrêmement complexes en pratique. Le Dr Liu et son équipe se sont tournés vers la technologie CRISPR, un outil d’édition génétique qui fonctionne comme un ciseau moléculaire permettant d’invalider un gène ou de le corriger. Ils ont développé une nouvelle technique adaptée de CRISPR, appelé édition de base (permet de retirer un morceau précis dans l’ADN pour le remplacer par un autre), qui recherche les répétitions CAG et les remplace par des séquences CAA.

Ils ont constaté, à l’aide de cellules humaines cultivées en boîtes de petri, que leur méthode d’édition de base CRISPR modifiait avec succès la répétition CAG HTT dans environ 80% des cellules, sans aucun signe de toxicité. Plus prometteur encore, ils ont constaté que ces simples interruptions CAA semblaient stopper l’expansion des répétitions CAG après 30 jours. Ils ont même noté que les cellules éditées par la technologie CRISPR semblaient croître plus rapidement et paraître en meilleure santé !

Dans la mesure où ce type de technologie CRISPR cible toutes les répétitions CAG (pas seulement celles de la huntingtine) et y introduit également des interruptions CAA, les chercheurs devaient confirmer que d’autres gènes n’étaient pas altérés accidentellement. Ils ont trouvé environ 250 autres gènes, au total, modifiés par la technologie CRISPR, probablement parce qu’ils contenaient des répétitions CAG similaires. Toutefois, seulement une cinquantaine d’entre eux sont actifs dans les cellules cérébrales, et un seul semblait significativement altéré. Bien que cette découverte n’exclue pas le risque, elle suggère que des modifications involontaires sont peu susceptibles de causer de graves problèmes.

Interrompre les séquences CAGs à l’aide de la technologie CRISPR

Se pose maintenant un énorme défi : l’équipe de chercheurs peut-elle introduire un mécanisme CRISPR dans les cellules d’un cerveau vivant et modifier avec succès les séquences CAG ? L’équipe du Dr Liu a utilisé une modèle murin MH dont le gène huntingtin comporte 110 répétitions CAG, et cette expansion croît rapidement avec l’âge de la souris (instabilité des répétitions). Afin d’administrer la technologie CRISPR dans le cerveau, les chercheurs l’ont empaquetée dans un virus inoffensif, agissant comme un service de livraison des gènes, en injectant des outils d’édition génétique directement dans les cellules.

Quatre semaines après l’injection, les chercheurs ont constaté qu’environ 30% des cellules semblaient avoir capté l’outil d’édition génétique. Sur les 30% des cellules contenant la technologie CRISPR, environ 75% présentaient au moins une interruption CAA dans leur gène huntingtin, ce qui signifie qu’une cellule cérébrale sur cinq a reçu avec succès une modification génétique protectrice – un début, certes, imparfait mais prometteur ! Douze semaines plus tard, les chercheurs ont examiné la longueur des répétitions CAG et ont constaté que non seulement l’expansion semblait s’arrêter mais que certaines répétitions CAG pouvaient même s’être raccourcies.

Afin de vérifier si leur approche fonctionnait au-delà de la maladie de Huntington, les chercheurs ont répété leurs expériences dans des modèles cellulaires et murins d’ataxie de Friedreich, un autre trouble d’expansion de répétitions. Fait intéressant, ils ont observé des résultats semblables : jusqu’à 55% des cellules cérébrales semblaient contenir des interruptions de répétitions, et les répétitions apparaissaient stables au fil du temps, ne montrant aucun signe d’expansion avec l’âge.

La technologie CRISPR : une solution ?

Globalement, ces résultats semblent montrer que l’expansion, en boule de neige, des répétitions dans le gène huntingtin peut être stoppée, et cette approche pourrait même être appliquée à d’autres maladies à répétitions. Toutefois, il existe des raisons incitant à la prudence. Cette étude visait à déterminer si la technologie CRISPR pouvait insérer des interruptions CAA et stopper la croissance des répétitions mais elle n’a pas évalué si cette intervention améliorait les symptômes ou retardait l’évolution de la maladie. Connaître l’impact de ce type d’approche thérapeutique sur les signes et symptômes est essentiel afin de déterminer si elle doit être mise en œuvre.

En outre, il sera crucial de réduire les modifications involontaires des gènes autres que le gène huntingtin avant de passer à des essais cliniques sur l’homme. Autre problème : la délivrance. Les cerveaux humains sont plus gros que ceux des souris et introduire la technologie CRISPR dans suffisamment de cellules cérébrales pour faire une différence sera particulièrement difficile.

Malgré ces limites actuelles, ces résultats constituent une grande avancée. Grâce aux progrès de la précision de l’édition génétique et à davantage de méthodes d’administration efficaces, la technologie CRISPR est susceptible de devenir un outil puissant dans le cadre de la lutte contre la maladie de Huntington et d’autres maladies à répétitions trinucléotidiques.

Traduction Libre (Dominique C . - Michelle D.)

Source :   - Article d'AJ Keefe du 21 juillet 2025