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Stabilisation d'un défaut génétique pour ralentir la maladie de Huntington Grâce à la technologie CRISPR, des scientifiques ont découvert des gènes contrôlant les défauts génétiques C-A-G dans le cadre de la maladie de Huntington. |
Une nouvelle étude menée par des chercheurs du Massachusetts General Hospital and Harvard Medical School a utilisé la technologie CRISPR afin de déterminer quels gènes peuvent influencer la manière dont la répétition génétique C-A-G, à l’origine de la maladie de Huntington, peut évoluer au fil de temps. Cette étude, très intéressante, aide à mieux comprendre le fonctionnement de la MH et à découvrir des cibles potentielles pour des thérapies qui pourraient ralentir ou stopper la maladie.
Les défauts génétiques peuvent augmenter les répétitions C-A-G
La maladie de Huntington est une maladie génétique du cerveau et une personne atteinte de la MH possède une expansion des lettres de l’ADN, C-A-G, dans son gène huntingtin. Au fil du temps, ces répétitions C-A-G deviennent même plus longues dans certains types de cellules cérébrales. Ce processus est appelé l’instabilité somatique ou plus précisément l’expansion somatique. Mais, l’expansion somatique ne survient pas dans toutes les cellules. Ce phénomène semble survenir davantage dans les neurones épineux moyens, un type de cellules plus affecté par la MH.
Le sujet de l’instabilité somatique est à la mode dans le domaine de la MH car il est suggéré qu’il s’agit d’un facteur clé de la maladie qui peut accélérer l’âge auquel les premiers symptômes apparaissent. Ceci est confirmé par de vastes études génétiques menées auprès des personnes atteintes de la MH, ce qui suggère que les gènes responsables de la relecture du code génétique peuvent affecter l’instabilité somatique.
Des milliards de pièces d'ADN
Chaque cellule du corps porte un ensemble complet d’instructions ADN, qui agissent comme un plan directeur pour produire tout ce dont le corps a besoin pour grandir, fonctionner et demeurer en vie. On peut imaginer l’ADN comme une échelle torsadée, dont les deux brins sont les côtés de celle-ci. Les barreaux de l’échelle sont constitués de blocs de construction, appelés A (adénine), T (thymine), C (cytosine) et G (guanine). Ceux-ci agissent comme les pièces d’un puzzle qui s’associent d’une manière très spécifique : A s’associe toujours avec T, et C avec G.
L’ADN de chacune de nos cellules contient des milliards de ces lettres, de sorte que vous pouvez vous imaginer qu’il existe parfois des erreurs ou des discordances dans le puzzle ADN conduisant à l’association de deux pièces qui ne s’assemblent pas correctement. Heureusement, nos cellules disposent de systèmes de réparation qui agissent comme les maîtres de mini-puzzles, recherchant ces erreurs, retirant la mauvaise pièce et la remplaçant par la bonne afin que le puzzle ou l’ADN s’assemble à nouveau parfaitement.
S’agissant des longues répétitions C-A-G dans le gène huntingtin, il arrive parfois que les deux brins d’ADN se décalent ou « glissent ». Les glissements dans les régions des répétitions C-A-G sont comparables au fait de boutonner sa chemise en sautant un bouton, provoquant ainsi un renflement perturbant l’ensemble du motif. Cela se produit parce que les sections C-A-G de l’ADN sont comme des pièces de puzzle identiques qui peuvent s’assembler de manière incorrecte.
Si cela survient, une boucle de CAGs peut se former dans un brin d’ADN. Dans la mesure où les systèmes de réparation de l’ADN recherchent toujours des erreurs, lorsqu’ils remarquent une boucle de répétitions CAG supplémentaires, ils tentent de la réparer. Mais au lieu de supprimer les répétitions CAG supplémentaires, ils « corrigent » parfois le brin en ajoutant plus de répétitions afin que tout corresponde. Cela conduit à des expansions de la répétition CAG dans le gène huntingtin.
L’usage de la technologie CRISPR afin de découvrir les gènes à l’origine des problèmes génétiques
Dans cette étude, les chercheurs ont utilisé la technologie CRISPR afin de désactiver des gènes spécifiques chez un modèle murin MH. La technologie CRISPR est un puissant outil agissant comme un minuscule couteau Suisse moléculaire dans la cellule pour couper ou modifier n’importe quel ADN tant qu’il y a un signal de « retour » à proximité. Heureusement, ces signaux de retour se trouvent presque partout dans le génome ; c’est pourquoi les chercheurs trouvent des moyens intéressants d’utiliser la technologie CRISPR pour modifier littéralement n’importe quel gène de la cellule !
Cet outil est actuellement utilisé pour corriger les fautes de frappe dans les gènes, notamment le gène huntingtin dans le cadre de la maladie de Huntington. Il peut également être utilisé pour désactiver certains gènes, ce qui réduit la quantité de protéines qu’ils produisent.
Les chercheurs se sont concentrés sur les gènes impliqués dans les systèmes de réparation de l’ADN des cellules dans la mesure où de précédentes études ont suggéré que certains de ces gènes jouent un rôle important dans le contrôle de la stabilité des répétitions C-A-G, soit en les rendant plus longues ou plus courtes.
Ils ont utilisé la technologie CRISPR pour désactiver plus de 50 de ces gènes chez la souris modélisant la MH et ont ensuite évalué l’effet sur les changements de répétitions C-A-G dans le striatum, la partie du cerveau la plus affectée dans le cadre de la MH, ainsi que dans le foie.
Comment les gènes de réparation de l’ADN jouent avec les répétitions C-A-G comme un accordéon
L’étude a confirmé que plusieurs gènes de la voie de réparation des mésappariements de l’ADN, tels que les gènes MSH2, MSH3 et MLH3, produisent des protéines qui peuvent accroître la répétition C-A-G. Lorsque ces gènes sont désactivés, moins de ces protéines ont été produites et l’expansion a ralenti de manière significative. Cela souligne le potentiel de cibler ces protéines comme cibles médicamenteuses pour la maladie de Huntington.
En revanche, la désactivation de certains gènes, tels que les gènes FAN1 et PMS2, a stimulé l’expansion des répétitions C-A-G, ce qui suggère que l’augmentation de la production de ces protéines pourrait contribuer à ralentir l’expansion des répétitions C-A-G.
Il est intéressant de noter que la désactivation des gènes de réparations de l’ADN a différents effets selon les tissus. Par exemple, certains gènes ont provoqué une expansion plus importante des répétitions C-A-G dans le foie que dans le striatum, ce qui montre pourquoi il est important d’étudier ces changements dans les tissus les plus affectés par la maladie.
Cette étude montre à quel point la technologie CRISPR peut être efficace pour tester des gènes affectant directement l’instabilité de la répétition C-A-G chez des animaux vivants, permettant ainsi aux scientifiques d’étudier des dizaines de gènes à la fois, ce qui n’était pas possible auparavant.
Exploiter les expansions de répétitions C-A-G
Ces résultats aident les scientifiques à mieux comprendre les causes de la maladie de Huntington et indiquent de nouvelles cibles médicamenteuses potentielles qui pourraient ralentir l’expansion des répétitions C-A-G et retarder les symptômes. En fait, de nombreuses personnes font exactement cela en ce moment !
Les compagnies Rgenta Therapeutics et LoQus23 Therapeutics sont deux compagnies développant des comprimés visant à désactiver la production de protéines allongeant la répétition C-A-G, ce qui pourrait aider à ralentir l’expansion somatique dans le cerveau.
Une autre compagnie, la compagnie Latus Bio, envisage d’utiliser des virus inoffensifs pour administrer des molécules de type ADN, appelées microARN, qui peuvent réduire les taux d’une protéine pouvant augmenter l’expansion somatique.
La compagnie Harness Therapeutics travaille au développement de molécules d’ADN spécialisées, appelées oligonucléotides antisens ou ASOs, conçues pour stimuler la production de la protéine FAN1, une protéine qui peut réellement raccourcir la répétition C-A-G.
Ces approches thérapeutiques sont encore en phase de recherche.
Traduction Libre (Dominique C . - Michelle D.)