Une carte pour suivre l'évolution de la maladie de Huntington

Grâce à une technique cartographiant les zones cérébrales où les gènes sont activés, des chercheurs ont découvert des signes avant-coureurs de la maladie.
Mis en ligne le 13 novembre 2025   


Une nouvelle étude menée sur des modèles murins révèle comment la maladie de Huntington perturbe le développement cérébral au fil du temps, bien avant l’apparition des symptômes. Grâce à des outils de séquençage avancés et à la transcriptomique spatiale, une technique cartographiant les zones cérébrales où les gènes sont activés, les chercheurs ont découvert des signes avant-coureurs qui pourraient permettre d’expliquer pourquoi certaines cellules cérébrales sont plus vulnérables que d’autres dans le cadre de la MH.

Pourquoi cela est-il important ?

On sait que la maladie de Huntington est causée par une répétition de lettres génétiques, C-A-G dans le gène huntingtin. Les personnes possédant 35 répétitions CAGs ou moins ne développeront pas la maladie, celles ayant 36 ou plus développeront la maladie.

Bien que chaque cellule porte cette erreur génétique, certaines cellules cérébrales sont beaucoup plus durement touchées et meurent prématurément. Ce que les chercheurs ne comprennent pas encore totalement, c’est pourquoi ces cellules sont plus vulnérables, ou ce qui peut se produire silencieusement dans le cerveau longtemps avant l’apparition des symptômes, les rendant ainsi plus vulnérables.

Aux termes d’une nouvelle étude, menée par les Drs Leslie Thompson et Mara Burns de l’Université de California Irvine, une équipe de chercheurs s’est penchée sur ce mystère. Ils ont utilisé une combinaison puissante de techniques appelées « la transcriptomique spatiale » et «  le séquençage unicellulaire ».

La transcriptomique spatiale consiste à cartographier spatialement, sur un échantillon de cerveau, les transcrits, de courts messages génétiques issus de l’ADN avant leur traduction en protéine. Ainsi, elle peut être utilisée pour visualiser les messages génétiques sur une image du cerveau. Les chercheurs ont utilisé cette technique pour cartographier les changements survenus au cours de la vie d’une souris modélisant la MH.

Le séquençage unicellulaire analyse les messages génétiques de chaque cellule d’un échantillon. Ces deux techniques fournissent une multitude de données et permettent de créer une carte détaillée de ce qui se passe à l’intérieur d’un cerveau affecté par la MH.

Leurs travaux suggèrent que les changements dans l’activité génique débutent à la naissance et évoluent de manière spécifique dans un type de cellule et type de région, affectant en particulier le striatum (la région centrale du cerveau qui contrôle les mouvements, la motivation et les émotions) et le cortex (la partie externe plissée qui contrôle des fonctions, telles que la perception, les mouvements et la planification).

Ces deux régions cérébrales sont fortement touchées par la MH. Mieux comprendre quand et comment les changements surviennent dans celles-ci peut aider les chercheurs à percer le mystère de la vulnérabilité sélective dans le cadre de la maladie de Huntington.

Les zones cérébrales vulnérables dans le cadre de la maladie de Huntington : le striatum et le cortex.

On sait que la maladie de Huntington n’affecte pas toutes les cellules cérébrales de la même manière. Certains types de cellules, tels que les cellules gliales soutenant les neurones, ne sont pas sensibles à la mort de la même manière que le sont les neurones.

Mais, même les neurones eux-mêmes sont sélectivement vulnérables. Certains types sont particulièrement sensibles à la mort, alors que d’autres restent étonnamment résistants, même à un stade avancé. Parmi les plus touchés figurent les neurones épineux moyens (MSNs), constituant la majeure partie du striatum (la région centrale du cerveau importante pour la coordination des mouvements, la motivation et l’apprentissage).

Les neurones épineux moyens sont des « relais » essentiels dans les circuits cérébraux, transmettant les signaux dopaminergiques et ajustant finement le contrôle moteur. Dans le cadre de la MH, ces neurones sont parmi les premiers à présenter un dysfonctionnement et éventuellement à mourir. La nouvelle étude montre que même chez les nouveaux-nés murins, les neurones épineux moyens commencent à présenter une activation génique anormale, notamment une augmentation des taux de gènes d’identité, tels que Drd1 et Tac1, qui diminuent ensuite, ce qui suggère que les cellules pourraient « surcompenser » précocement avant de s’effondrer.

Parallèlement, dans le cortex, une autre région cérébrale qui contrôle la pensée supérieure et la prise de décisions, les chercheurs ont constaté une expression réduite du gène Tcf4, un centre génétique clé important pour le développement des neurones. Ces modifications corticales commencent très tôt et persistent tout au long de l’évolution de la maladie, ce qui suggère que la MH pourrait également perturber subtilement la maturation du cortex.

Une nouvelle ère de cartographie cérébrale

Jusqu’à présent, pour déterminer les gènes activés différemment par la maladie de Huntington, la plupart des études s’appuyaient sur une méthode appelée « séquençage d’ARN en masse ». Cette technique est performante mais elle présente un inconvénient majeur : pour évaluer quels gènes sont activés, les scientifiques doivent tout d’abord broyer le tissu cérébral, ce qui signifie que les messages génétiques de tous les types de cellules présents dans l’échantillon (les neurones vulnérables et ceux résistants, les cellules gliales et même les cellules des vaisseaux sanguins) sont mélangés.

Pour contourner ce problème, les chercheurs ont, dans cette étude, utilisé deux nouvelles approches :

* La transcriptomique spatiale : cette méthode représente un grand pas en avant car elle permet d’évaluer l’activité du gène tout en préservant l’intégrité des coupes de tissu. C’est comme prendre une photographie aérienne du cerveau avec des taches colorées indiquant les zones « bruyantes » ou « calmes » en termes d’activité génétique. Cette technique ne permet pas de détecter les signaux provenant de chaque cellule individuelle mais elle y parvient pour des groupes d’une dizaine de cellules. Cette méthode préserve surtout l’information du « lieu » que les méthodes d’analyse globale effacent.

* Le séquençage d’ARN d’un noyau unique (aka, snRNA-seq) : ici, les scientifiques observent de plus près. Au lieu de travailler avec des coupes entières de cerveau, ils isolent les cellules individuelles et analysent leur activité génétique, une par une, ce qui permet de déterminer quels types de cellules sont les plus actifs dans le cerveau – les neurones, les astrocytes, les microglies ou les oligodendrocytes – et ce que chaque cellule exprime. Mais l’inconvénient, c’est que cette méthode fait perdre le contexte spatial : on sait quelles cellules s’expriment mais on ne sait où elles se trouvent dans le cerveau.

En combinant ces deux méthodes sur une chronologie de la durée de vie d’une souris MH, les scientifiques ont bénéficié des avantages des deux méthodes : la localisation spatiale grâce à la transcriptomique spatiale et l’identification des cellules grâce au séquençage unicellulaire, leur permettant ainsi de réaliser une cartographie spatiale de l’évolution de la maladie de Huntington. Grâce à cette carte, ils ont pu associer les modifications génétiques à des types de cellules spécifiques et à des régions cérébrales à trois stades différents : la naissance, l’apparition des premiers symptômes et le stade avancé de la maladie. Cette approche permet une analyse plus fine que les précédentes techniques et ouvre de nouvelles perspectives s’agissant de la compréhension de maladies complexes, telles que la maladie de Huntington.

Traduction Libre (Dominique C . - Michelle D.)

Source :   - Article de Sonia Vazquez-Sanchez et de Carlos Chillon Marinas du 27 octobre 2025