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Bilan de l'année 2024
Sur la recherche et les progrès réalisés dans le cadre de la maladie de Huntington au cours des douze derniers mois. |
Grâce aux avancées réalisées par les laboratoires, à celles dans le développement des médicaments et aux obstacles et triomphes des essais cliniques, les chercheurs ont acquis de nouvelles connaissances sur le fonctionnement de la maladie de Huntington, et ont fait de grands progrès dans la recherche de médicaments susceptibles de ralentir ou de stopper cette maladie.
Sur la recherche fondamentale
* Sur l’instabilité somatique
L’instabilité somatique est, ces dernières années, un sujet brûlant dans le cadre de la recherche sur la maladie de huntington et l’année 2024 s’est avérée être une année au cours de laquelle ont été réalisées de nombreuses avancées dans la compréhension de ce phénomène. L’instabilité somatique est la tendance de la séquence de répétitions CAG du gène MH à s’étendre davantage au fil du temps dans certaines cellules du corps. Une théorie que de nombreux chercheurs MH explorent est que les cellules cérébrales ayant davantage d’expansions pourraient être plus susceptibles de tomber malades ; ainsi, l’instabilité somatique pourrait être à l’origine de la maladie. Ralentir, voire inverser, les expansions CAG en manipulant la manière dont l’ADN est traitée et maintenue pourrait être la clé pour débloquer cette théorie en clinique.
L’année 2024 a débuté avec des études fascinantes, examinant comment le nombre de répétitions CAG change dans différents types de cellules cérébrales chez des personnes décédées atteintes de la MH. A l’aide de ces précieux échantillons, les scientifiques ont pu déterminer avec exactitude les cellules affectées par l’instabilité somatique et comment cela permet de déterminer quelles cellules tombent malades et meurent au fil du temps chez les personnes atteintes de la MH. Ce niveau de connaissance précis nous aide à comprendre exactement ce qui se passe dans le cadre de la maladie de Huntington et n’est rendu possible que par la décision désintéressée de personnes atteintes de la MH de faire don de leur cerveau à la recherche après leur décès.
L’expansion des répétitions CAG n’est pas seulement une caractéristique de la MH mais en réalité une classe entière de maladies appelées troubles de répétitions CAG, comprenant l’amyotrophie bulbaire spinale et certains types d’ataxies spinocérébelleuses, entre autres troubles. Du fait de parallèles dans les fondements génétiques de ces maladies, les scientifiques ont beaucoup appris sur la MH au cours de l’année 2024 grâce aux recherches en cours sur les ataxies.
D’autres équipes de recherche ont travaillé à étudier les conséquences moléculaires exactes de l’expansion somatique dans différents modèles MH. Une équipe a découvert que les changements du nombre de répétitions CAG dus à l’expansion somatique peuvent modifier la manière dont les messages génétiques sont découpés et réorganisés, un processus appelé épissage. Une autre équipe a cherché à déterminer avec exactitude combien de temps un nombre de répétitions CAG doit être présent chez des souris modélisant la MH pour que les cellules cérébrales deviennent malades.
* Sur les informations cellulaires
Au-delà de l’instabilité somatique, des équipes de recherche du monde entier se sont employées à explorer d’autres domaines de la biologie MH. Un certain nombre d’équipes se sont penchées sur la barrière hémato-encéphalique, une couche protectrice qui protège le cerveau mais qui peut rendre également difficile l’administration de médicaments au sein du cerveau pour traiter des maladies comme la maladie de Huntington. Les progrès de recherche sur les cellules souches signifient que les scientifiques peuvent désormais créer des modèles de cette barrière à partir de cellules en culture.
En plus de fabriquer ces structures barrières dans des boîtes de Pétri, les scientifiques peuvent également créer des organisations complexes en 3D des cellules nerveuses humaines, appelées des minis cerveaux. Dérivées de cellules souches, ces structures sont très prometteuses pour nous aider à comprendre la MH dans des organes vivants, semblables au cerveau humain, et pourraient potentiellement ouvrir la voie à des thérapies de remplacement cellulaire.
Les scientifiques ont également beaucoup appris cette année sur les cellules nerveuses en forme d’étoile, appelées astrocytes. Ces cellules sont importantes pour la santé du cerveau et semblent jouer un rôle dans la façon dont les cellules sont perdues dans le cerveau des personnes atteintes de la MH. Encore une fois, cette recherche a été rendue possible grâce aux dons de cerveau.
* En préparation
Les scientifiques MH sont toujours à la recherche de méthodes innovantes pour suivre l’évolution des symptômes MH d’une personne. En 2024, nous avons entendu parler d’une équipe de scientifiques qui étudiaient les niveaux de la protéine huntingtine dans les larmes. Bien que cela puisse paraître un peu fou, cette approche n’est pas invasive contrairement au prélèvement de liquide céphalorachidien ou d’échantillons sanguin, et pourrait aider à suivre la progression de la maladie de Huntington ou même, l’efficacité des médicaments diminuant la huntingtine.
Des rebondissements encore plus surprenants s’agissant de la diminution de la huntingtine ont été observés dans une étude portant sur des modulateurs d’épissage, une classe de médicaments qui modifient la façon dont la molécule messagère huntingtine est traitée et provoquent une baisse des niveaux de la protéine. Il s’avère que certains modulateurs d’épissage ciblent également une autre protéine, appelée PMS1, impliquée dans l’expansion somatique. En traitant des cellules dans une boîte de Pétri, certains modulateurs d’épissage semblent modifier l’expansion somatique ET diminuer la huntingtine, ce qui pourrait signifier que ces médicaments pourraient avoir un double effet !
De nombreuses approches basées sur la technologie CRISPR se rapprochent de plus en plus de la clinique s’agissant de la MH. La technologie CRISPR est un outil intelligent permettant de modifier avec précision le code ADN. L’un des principaux défis à l’heure actuelle est de placer la technologie CRISPR dans les bonnes cellules pour effectuer les modifications. En 2024, une thérapie basée sur la technologie CRISPR a été approuvé dans le cadre de la drépanocytose. Ils ont relevé le défi de l’administration en prélevant des cellules de la moelle osseuse, en les modifiant dans une boîte de Pétri en laboratoire, puis en les rajoutant plus tard. De nombreux chercheurs cherchent à appliquer cette technologie dans le cadre de la MH, notamment une équipe qui développe des outils afin d’interrompre les répétitions CAGs.
Actualités de la clinique
* Des obstacles sur la route
Bien que nous espérons toujours que les essais cliniques nous apportent les résultats positifs que nous souhaitons, cela ne se passe malheureusement pas toujours ainsi. Les essais cliniques font partie des expériences les plus compliquées, les plus coûteuses et les plus risquées que les scientifiques puissent réaliser, et malheureusement 90% d’entre eux échouent. Malgré ces déceptions, la communauté a toujours beaucoup à apprendre de n’importe quel essai, quel que soit le résultat, avec la grande quantité de données collectées et les différentes hypothèses testées. Cela ne signifie pas non plus nécessairement la fin de vie des médicaments en question.
La pridopidine est un médicament ayant un historique complexe dans le cadre de la maladie de Huntington. Désormais détenu par la compagnie Prilenia, ce médicament était initialement conçu pour améliorer les symptômes moteurs de la MH et on a ensuite pensé qu’il pourrait ralentir la progression de la maladie. Malgré les résultats négatifs de l’essai clinique de phase 3, PROOF-HD, la compagnie Prilenia avance afin de tenter d’obtenir une approbation réglementaire de ce médicament en Europe. On devrait en savoir davantage sur la décision de l’organisme réglementaire en 2025.
Une autre déception pour beaucoup : l’arrêt du développement du médicament Dalzanemdor, précédemment appelé SAGE-718, par la compagnie SAGE Therapeutics. Cette compagnie avait espéré que ce médicament pourrait agir pour améliorer les troubles de la mémoire et de la pensée présentés par les personnes atteintes de la MH. Toutefois, le médicament a connu des échecs lors d’essais cliniques relatifs à d’autres maladies neurologiques et malheureusement, il a échoué à montrer des améliorations cognitifs lors de l’essai DIMENSION au cours duquel le médicament a été testé chez des personnes atteintes de la MH.
Dans les deux cas, on sait que de nombreuses personnes de la communauté MH ayant participé aux essais ont eu le sentiment que les médicaments les avaient aidés et cette expérience est tout à fait valable. Il se pourrait bien que les personnes appartenant à une certaine tranche d’âge, avec un nombre de répétitions CAG spécifiques ou étant à un stade particulier de la maladie, répondent mieux au traitement. Cependant, les données globales n’ont pas, dans les deux cas, démontré que le bénéfice de la prise de l’un ou de l’autre était significativement différent de celui de la prise d’un comprimé sucré.
* Avancer dans la bonne direction
Malgré ces revers, l’année 2024 a été riche en nouvelles positives et encourageantes de la part d’autres compagnies pharmaceutiques, lesquelles ont des essais cliniques en cours. La compagnie PTC Therapeutics, qui développe le médicament PTC-518, un comprimé à prendre par voie orale, aux fins de diminuer les taux de la protéine huntingtine, a partagé une mise à jour avec des données démontrant une bonne innocuité de leur médicament et même une certaine suggestion selon laquelle certains scores cliniques semblaient avoir été améliorés.
Autre mise à jour s’agissant d’un essai clinique visant à réduire la huntingtine, cette fois de la compagnie Wave Life Sciences qui développe un médicament WVE-003, lequel est administré par ponction lombaire. Aux termes de cette mise à jour, on apprend que leur médicament semblait généralement sûr, bien que des inquiétudes aient été soulevées concernant leurs données sur la protéine NfL. La compagnie Wave rapporte également que leur médicament semblait cibler de manière sélective uniquement la version expansée nocive de la huntingtine et non la version saine. Par ailleurs, des données très préliminaires issues des IRM cérébraux semblaient indiquer que les personnes participant à l’essai ont subi moins de perte de tissu cérébral que celles sous placébo.
Une autre mise à jour est intervenue quelques jours plus tard de la compagnie UniQure s’agissant de leurs essais visant à réduire la huntingtine portant sur leur thérapie génique AMT-130, administrée en une seule dose par chirurgie cérébrale. Bien que les chercheurs n’aient pas appris quoi que soit sur l’engagement de la cible dans cette mise à jour (c’est-à-dire si le médicament réduit réellement la huntingtine), ils ont découvert que le médicament semble être en grande partie sûr dans le protocole chirurgical mis à jour et pourrait potentiellement ralentir la progression des symptômes sur la base de certaines mesures cliniques.
Dans l’ensemble, ce fût une véritable mine de nouvelles positives. Il est important de noter que toutes les mises à jour de ces essais sont intermédiaires, il ne s’agit pas de données finales et celles-ci proviennent d’un nombre relativement restreint de personnes ; il reste donc encore du chemin à parcourir pour voir comment chaque médicament se comportera chez un plus grand nombre de personnes atteintes de la MH.
Bien qu’on n’ait pas eu de mise à jour à succès cette année de l’essai GENERATION-HD2, testant le médicament Tominersen, un médicament administré par ponction lombaire visant à diminuer la huntingtine et développé par la compagnie Roche, HDBuzz a récemment appris que l’essai avait terminé à ce jour le recrutement. Les scientifiques de la compagnie Roche continue à étudier les données de l’essai GENERATION-HD1, afin de mieux comprendre ce qui pourrait fonctionner et ce qui ne le pourrait pas, afin de donner au médicament les meilleures chances dans cette prochaine phase de son développement.
* De nouvelles compagnies dans le domaine
Ce fût une année intéressante avec de nouvelles compagnies dans le domaine de la découverte de médicaments, lesquelles ont commencé leurs essais cliniques. La compagnie Alnylam Pharmaceuticals a lancé son essai clinique testant leur médicament visant à diminuer la huntingtine, ALN-HTT02, avec un premier participant ayant reçu le médicament au mois de décembre 2024. La compagnie Skyhawk Therapeutics a débuté au début de l’année en Australie son essai portant sur la diminution de la huntingtine et a déjà partagé une mise à jour démontrant un profil d’innocuité prometteur et un engagement sur la cible de leur médicament SKY-0515.
La compagnie Vico Therapeutics a informé la communauté s’agissant de son médicament ciblant la répétition CAG, VO659, qui peut diminuer la huntingtine. Dans la mesure où il cible les répétitions CAGs, ce médicament peut diminuer les protéines impliquées dans d’autres maladies CAG, notamment l’ataxie spinocérébelleuse (SCA) 1 et 3. Son essai teste le médicament chez les personnes atteintes des trois maladies, SCA1, SCA3 et la MH. Il existe certaines inquiétudes s’agissant de l’innocuité qui ont été attribuées à la dose élevée que la compagnie Vico prévoit de modifier dans la prochaine phase de ses études cliniques. Cependant, le médicament réduit la huntingtine et pourrait s’avérer être une voie vers une nouvelle thérapie pour de nombreuses maladies rares.
* Quelques approbations
L’année 2024 a également vu l’approbation d’un nouveau médicament pour la communauté MH. La compagnie Neurocrine Biosciences a développé le médicament Ingrezza, utilisé pour traiter les symptômes moteurs de la maladie de Huntington. Ingrezza est le nom commercial pour la Valbenazine, précédemment approuvé pour le traitement de la MH. Cependant, certaines personnes atteintes de la MH ont du mal à avaler des comprimés. Neurocrine a donc fabriqué le médicament sous forme de poudre à saupoudrer sur les aliments, ce qui a été approuvé par la FDA.
Apprendre des études observationnelles
Outre les études où différents médicaments et interventions sont testés, il existe de nombreuses études observationnelles différentes pour la maladie de Huntington. Celles-ci collectent des informations biographiques, des données génétiques et de surveillance de la progression de la maladie au fil du temps à l’aide de différents tests cliniques et d’études de biomarqueurs. Cela permet de créer une riche mosaïque de données afin que les scientifiques puissent comprendre l’impact de la MH sur un large éventail de personnes au cours de leur vie.
Une étude très intéressante a été publiée en 2024, basée sur une multitude de données génétiques, montrant que les maladies à répétitions d’expansion, une classe de maladies provoquées par des expansions d’ADN incluant la maladie de Huntington, sont présentes à une incidence beaucoup plus élevée qu’on ne le pensait auparavant. Cette étude, et d’autres, ont remis en cause le discours courant selon lequel la MH est principalement une maladie plus courante chez les personnes d’origine blanche. En réalité, la MH a un impact sur les populations du monde entier. Des recherches, cruciales, menées aux Etats-Unis étudient les disparités raciales dans l’accès aux soins de santé et les résultats obtenus par les personnes noires et latino-américaines. L’identification de ces écarts est la première étape essentielle pour contribuer à lutter contre ces problèmes.
Historiquement, de nombreuses études observationnelles se sont concentrées sur les symptômes évidents de la MH, tels que les mouvements musculaires incontrôlables et la difficulté d’avaler. Les scientifiques commencent maintenant à étudier des effets moins évidents de la MH, tels les luttes sociales. On prend de plus en plus conscience de l’impact que peuvent avoir ces signes moins bien reconnus de la MH sur l’individu et sa qualité de vie.
Une autre étude a cherché à déterminer les médicaments que les personnes atteintes de la MH prenaient déjà et comment ces médicaments étaient liés à la progression de la maladie. Ils ont constaté que la prise courante de bêtabloquants couramment prescrits était associée à un retard d’apparition et à une progression lente des symptômes MH. Cette découverte incroyable a été rendue possible grâce à la participation de personnes à l’étude Enroll-HD, ce qui témoigne de la puissance de l’énorme ensemble de données fournies par tant de personnes concernées par la MH, aidant ainsi les scientifiques à tirer ces conclusions intéressantes.
Traduction Libre (Dominique C . - Michelle D.)