Conférence thérapeutique annuelle CHDI - Quatrième session du 29 février 2024

Des gènes aux médicaments
Mis en ligne le 18 avril 2024


La session de la matinée se concentrera sur la façon dont la génétique humaine détermine le développement des thérapies. « Les gènes modificateurs » sont des gènes qui influencent la date d’apparition des symptômes de la maladie de Huntington et les données humaines sont extrêmement précieuses pour découvrir de nouvelles cibles médicamenteuses.

Les scientifiques ne peuvent trouver ces modificateurs que lorsqu’ils ont accès à une énorme quantité de données génétiques. Ainsi chaque personne d’une famille MH, ayant fourni des échantillons et signé des formulaires de consentement, a joué un rôle important dans toutes ces découvertes.

 Vanessa Wheller : l’expansion de triplets CAGs et les modificateurs MH

La première intervenante de la matinée est Vanessa Wheeler du Massachusett’es General Hospita & Havard Médical School. L’équipe de Vanessa est experte s’agissant de l’instabilité somatique (expansion de triplets CAGs) et a été très occupée à rechercher des modificateurs.

Vanessa a présenté les travaux d’un grand consortium de scientifiques qui ont tous collaboré dans un grand effort d’équipe pour faire la meilleure science possible. Une grande partie de ce que l’on sait s’agissant des gènes qui affectent l’apparition de la maladie de Huntington provient de ces études d’association pangénomique (GWAS). Ils ont tout d’abord examiné les modificateurs dans un très grand ensemble de données – provenant de plus de 12 000 personnes issues de familles MH ! Avec de telles quantités de données, ils peuvent commencer à analyser les gènes modificateurs qui pourraient contribuer à des symptômes MH, tels que les symptômes moteurs ou cognitifs.

La dernière étude a mis en évidence des gènes modificateurs familiers, tels que FAN1 et MSH3, ainsi qu’une multitude de nouveaux gènes, tels que MED15 et POLD. C’est très intéressant pour les chercheurs MH qui recherchent toujours de nouvelles cibles médicamenteuses ou des moyens d’altérer la progression de la maladie de Huntington. En se basant sur ces nouvelles données, Vanessa propose deux modèles d’étape de la MH : l’expansion de triplets CAG tout d’abord due à la réparation défectueuse de l’ADN, suivie par des effets nocifs d’autres protéines qui détériorent la biologie normale des cellules.

Vanessa et ses collègues d’Harvard cherchent à savoir comment les modificateurs humains influencent les expansions CAG chez des modèles murins MH. Se débarrasser de ces gènes modificateurs chez les souris peut avoir des effets d’allongement ou de raccourcissement  des répétitions CAG. L’un de ces nouveaux modificateurs chez le modèle murin de Vanessa est un gène appelé HMGB1. D’autres scientifiques MH travaillent déjà sur ce gène car celui-ci se lie au gène huntingtin et joue un rôle dans la réparation de l’ADN – il s’agit d’une connexion intéressante.

Vanessa propose différents rôles pour ses modificateurs préférés dans le processus de l’expansion de triplets CAG et dans d’autres parties de la biologie MH. Lorsque la science pénètre de nouveaux territoires, il est intéressant d’entendre de nombreux points de vue lors de réunions mondiales, comme celle-ci !

Darren Monckton : des biomarqueurs MH pour suivre l’évolution de la maladie

Prochain intervenant : Darren Monckton de l’Université de Glasgow a présenté les travaux récents de son équipe sur les biomarqueurs MH – différentes évaluations scientifiques et cliniciennes qui peuvent être utilisées pour suivre la façon dont la maladie évolue au fil du temps ou la façon dont elle est affectée par un traitement.

L’un des défis liés à la création de médicaments combattant l’expansion somatique est d’évaluer si le médicament agit dans le temps. L’expansion somatique se produit très lentement tout au long de la vie d’une personne ; ainsi, comment pouvons-nous évaluer les différences dans un laps de temps plus court, comme dans un essai clinique ? Ce qui est encore plus délicat, c’est que dans le cadre de la maladie de Huntington les changements se produisent dans le cerveau ! On ne peut pas prélever un morceau du cerveau pour évaluer les effets d’un médicament, comme on peut le faire avec d’autres organes, tels que le foie. L’équipe de Darren a étudié des échantillons sanguins pour voir si cela pourrait fonctionner comme un proxy pratique, sûr et fiable.

L’équipe de Darren est experte dans la réalisation d’analyses détaillées du code génétique. Ils ont développé une technologie intéressante pour évaluer les minuscules changements dans le nombre de CAG se produisant au fil du temps. Grâce au sang des personnes qui ont généreusement donné des échantillons  dans le cadre de l’étude ENROLL-HD, ils peuvent observer des schémas généraux d’expansion somatique à mesure que la MH s’aggrave. Lorsqu’ils examinent le taux de chaque personne, ils constatent qu’il existe en réalité de nombreuses variations dans la façon dont leur nombre de CAG évolue.

L’élément clé à mesurer est la façon dont le nombre de CAG évolue chez un individu sur une période raisonnable, par exemple de 1 à  3 ans. Ce n’est pas facile ! Pour comprendre tout cela, ils ont utilisé de nombreux échantillons différents provenant de la généreuse et incroyable communauté MH. L’équipe de Darren a réalisé toutes sortes de calculs scientifiques intéressants pour déterminer exactement le nombre d’évaluations dont ils ont besoin pour détecter avec précision et fiabilité un changement dans le nombre de CAG à partir d’échantillons sanguins, quel que soit l’âge de la personne ou du nombre initial de répétitions CAG.

Les mesures les plus fiables proviennent des personnes ayant de très longues répétitions CAG, comme celles qui causent la maladie de Huntington juvénile. Darren et son équipe s’efforcent de garantir qu’ils peuvent réaliser de bonnes évaluations à tous les niveaux, ce qui serait important pour le recrutement des essais cliniques. Darren explore également ces idées dans d’autres maladies causées par des expansions de répétitions CAG, telles que l’ataxie (troubles de l’équilibre et du mouvement).

La conférence a présenté de nombreux travaux dans le domaine de l’instabilité somatique. La capacité d’évaluer de manière fiable la façon dont la longueur CAG évolue dans le sang et le fait de la relier à ce qui se passe dans le cerveau sera inestimable lorsque les efforts de la recherche mèneront à des essais cliniques.

Alice Davidson : enseignements tirés de la dystrophie de Fuchs

Prochaine intervenante : Alice Davidson, ophtalmologue étudiant la dystrophie de Fuchs, une maladie de la cornée causée par une répétition de triplets. Ses travaux sur les modificateurs génétiques pourraient éclairer la recherche sur la maladie de Huntington. 

La dystrophie de Fuchs est causée par une répétition de lettres CTG dans le code ADN. Alice a constaté que ces répétitions de triplets CTGs s’allongent avec le temps, tout comme les répétitions de triplets CAGs dans le cadre de la maladie de Huntington. Son équipe a découvert cela en utilisant des tissus oculaires donnés par des personnes atteintes de la dystrophie de Fuchs. Alice et son équipe utilisent de nombreuses technologies intéressantes pour vraiment entrer dans les détails des modifications apportées au code ADN dans l’ensemble du génome des différents modèles de la dystrophie de Fuchs. Les expansions de triplets CTG semblent se produire dans les types de cellules oculaires les plus vulnérables dans cette maladie.

Dans la maladie de Huntington, des répétitions de triplets CAG très longues se trouvent dans les cellules cérébrales les plus vulnérables. Dans le cadre de la dystrophie de Fuchs, cela se passe dans les yeux. Des découvertes similaires sur l’expansion de répétitions dans différentes maladies renforcent une nouvelle hypothèse selon laquelle l’instabilité somatique est un facteur majeur des symptômes. L’équipe d’Alice a même constaté que certains des mêmes gènes modificateurs découverts par des chercheurs MH semblent également apparaître dans la dystrophie de Fuchs.

Une autre piste de recherche menée dans son laboratoire révèle que les modifications dans la façon dont les gènes s’activent ou se désactivent dans les cellules oculaires peuvent également contribuer à la dystrophie de Fuchs. Certaines interventions précédentes suggèrent que cela se produit également dans le cadre de la MH. Il existe ici de nombreux parallèles intéressantes entre les techniques et les découvertes de chercheurs de deux domaines différents !

Carlos Bustamante : des soins de santé et des médicaments sur mesure pour tous

Carlos Bustamante, fondateur et PDG de la compagnie Galatea Bio, a expliqué comment l’on pourrait travailler à la possibilité de soins de santé et de médicaments adaptés à tous.

Carlos commence par rappeler à quel point le séquençage de l’ADN peut être puissant et combien on a appris sur les relations mondiales et les maladies à mesure que les technologies ont évolué. Il souligne l’importance de la diversité dans la recherche humaine à grande échelle. Les études génétiques peuvent mener à des cibles médicamenteuses, mais Carlos partage la statistique selon laquelle environ 95% de ce que l’on sait proviennent de l’étude des populations européennes blanches. Il ne s’agit pas seulement d’un problème éthique et moral mais également d’un problème scientifique si on veut être sûr de disposer de toutes les informations nécessaires pour mettre au point des médicaments.

Carlos suggère que l’on pourrait apprendre des choses complètement nouvelles et trouver de nouvelles voies vers la thérapie si les scientifiques s’engagent à étudier la génétique de davantage de familles MH en Afrique et en Asie et davantage de populations différentes en Amérique du Nord, en Amérique du Sud et en Europe. Il utilise l’exemple d’études sur la transmission de la COVID-19 pour montrer que non seulement des facteurs sociaux, mais également des facteurs génétiques ont contribué à déterminer quelle personne tombait malade lorsque le virus à commencer à se propager aux Etats-Unis.

La compagnie Galatea Bio construit une grande base de données et une biobanque axées sur une population plus diversifiée. Cela leur permet de réaliser des prédictions avec plus de précisions s’agissant des facteurs de risque des maladies cardiaques et d’autres troubles en fonction de leur génétique. Bien que la compagnie Galatea se concentre sur des questions de santé concernant une population plus vaste, la communauté des chercheurs MH peut en apprendre davantage de cette approche plus inclusive afin de renforcer l’information génétique qui alimente notre pipeline de découverte de médicaments.

Sahar Gelfman : comment le gène huntingtin varie chez près d’un million de personnes

Sarah Gelfman a partagé les travaux du Regeneron Genetics Center, lequel a étudié la façon dont le gène huntingtin varie chez près d’un million de personnes. L’approche de ce centre permettra de mieux comprendre la fréquence à laquelle la mutation MH se produit chez des personnes de différentes origines du monde entier et quelle gamme de nombre CAG ils observent. Ils utilisent des techniques génétiques et des statistiques sophistiquées sur de nombreux échantillons afin d’identifier les cas où les personnes pourraient avoir reçu un diagnostic MH erroné et présenter d’autres troubles répétées. Ils constatent une incidence MH similaire et une variation dans le nombre de triplets CAG, comme d’autres l’ont déjà signalé.

Bien que nous constations souvent que la maladie de Huntington survient chez environ une personne sur 10 000, d’après cette étude aux très nombreuses données, l’incidence semble en réalité plus proche d’une personne sur 2 000 avec 40 ou plus de triplets CAGs dans cet ensemble de données particulier. Ils ont également constaté des taux plus élevés de MH chez les populations d’origine européenne. Cependant, il n’existe pas beaucoup d’échantillons provenant de personnes en dehors de l’Europe et de l’Amérique du Nord, en raison de préjugés historiques et de l’exclusion. De nombreuses personnes s’efforcent de corriger ce biais d’échantillonnage afin que l’on puisse avoir un aperçu des vrais chiffres.

Traduction Libre (Dominique C . - Michelle D.)

Source :   - Article des Dr. Rachel Harding - Dr Sarah Hernandez et Dr. Léora Fox du 7 mars 2024